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Histoire littéraire Serial surprise

janvier 2007 | Le Matricule des Anges n°79 | par Lucie Clair

À déguster un recueil d’inédits du maître des dénouements inattendus, pour se rappeler les principes de la relativité et sa relation étroite avec le destin.

La Théorie du chien

Dans la vie, c’est jamais comme on croit. Cela peut être pire Poe, et quelques maîtres du suspens et de l’humour noir se sont chargés d’en faire le tour. Cela peut être aussi plus drôle, plus loufoque, plus détonant encore que tout ce que l’on pouvait imaginer. O. Henry pseudonyme de William Sydney Porter (1862-1910) a été le maître des courtes nouvelles aux fins qui court-circuitent l’attente de ses lecteurs, ce qu’on a appelé le « surprise ending » aux États-Unis.
La Théorie du chien rassemble huit nouvelles, florilège de jeux sur les contresens, dont celle, éponyme, d’une enquête criminelle improbable menée malgré lui lors d’un déjeuner au fin fond d’un village d’Amérique centrale par un limier, qui doit plus à son bon sens terrien enraciné dans l’expérience d’un État fondamentalement « red neck » (ou « bouseux ») qu’à sa perspicacité de détective, la bonne fin de sa mission de retrouver le meurtrier d’une femme : « Je viens du Kentucky. Des hommes et des animaux, j’en ai vu beaucoup. Je n’ai encore jamais vu quelqu’un adorer les chevaux et les chiens et ne pas se montrer cruel envers les femmes. »
Grand lecteur, O. Henry ne se lasse pas de truffer ses récits de citations et références littéraires implicites et le plus souvent vachardes : « Question de niveau », en narrant les aventures d’un chercheur d’or délivrant une cantatrice enlevée par des Indiens vénézuéliens, épisode prétendant illustrer la théorie du « protoplasme », épingle Emerson et les Transcendantalistes ces tenants de l’amour de la Nature par une digestion rapide des théories de Kant représentant le romantisme tardif américain et célébrant l’élévation de l’âme en accord avec « « l’environnement », comme on l’appelle parfois, un bien faible mot pour exprimer la relation indicible de l’homme à la nature, et cette étrange fraternité qui fait que les pierres, les arbres, l’eau salée et les nuages influent sur nos émotions. » « Le code Calloway » et « Le pouvoir de la presse » sont matière à brocarder les travers du métier et par voie de conséquence, l’arrogance des journalistes dans un pays où la presse était en passe de devenir le quatrième pouvoir, mais sans doute, aussi, de brosser quelques portraits de ses collègues, O. Henry ayant collaboré en tant que chroniqueur au Houston Post pendant plusieurs années.
O.Henry a beaucoup écrit près de six cents nouvelles à son actif, et on a pu le comparer à Tchekhov pour sa rapidité d’écriture il a aussi beaucoup bu, il mourra d’une cirrhose du foie à 47 ans. Il s’est surtout apparemment beaucoup amusé à écrire, ou du moins tel est le cadeau de cet écrivain, qui ne se lasse pas d’inventer et de retourner la réalité et nous transmet son amour de la fiction, la rendant bien plus savoureuse. « Quant au dicton (la réalité dépasse la fiction), je prends plaisir à le vider de sa substance en attestant que j’ai lu l’autre jour la réplique suivante dans une nouvelle de pure fiction :» Ainsi soit-il, dit le policier. « Une chose aussi étrange ne s’est encore jamais produite dans la réalité. » La construction en emboîtements accroît l’effet de perspective et de vertige final sur la forme comme sur le fond, l’histoire ne se termine jamais là où elle avait commencé, et offre au passage une réflexion, élégante et discrète, sur la littérature et l’acte d’écrire.
L’ironie mordante d’O. Henry n’est pas sans rappeler celle de son contemporain britannique, Saki. Tout comme lui, il s’est attaché à décrire les mœurs et les travers de ses concitoyens, les chausse-trapes des lois et de la politique avec, pour O. Henry, un penchant avoué pour les histoires de bandits sans états d’âme, prétexte à prendre à rebrousse-poil le moralisme ambiant salut d’un homme à la biographie troublée, qui passa trois ans dans une prison de l’Ohio pour un détournement de fonds jamais élucidé, et qui en profita pour peaufiner son talent. Par ses pirouettes et pieds de nez aux conventions, O. Henry est un auteur délicieux, subversif, espiègle, comme il en manque aujourd’hui.

Lucie Clair

La Théorie du chien
O. Henry
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Michèle Valencia
Bernard Pascuito Éditeur
125 pages, 12

Serial surprise Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°79 , janvier 2007.