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Domaine français Des corps (r)animés

avril 2007 | Le Matricule des Anges n°82 | par Jérôme Goude

Panégyrique et palimpseste, le récit de Didier Blonde est une toile envoûtante sur le tissu moiré de laquelle les figures oubliées du cinéma muet ressuscitent.

Les Fantômes du muet

Il fut un temps où, au nombre des solennités précieuses et mémorables de l’enfance, la lanterne magique étoilait les rêves diurnes d’apparitions tant merveilleuses qu’inquiétantes. Une époque à jamais révolue où l’image animée recelait cette part inexpugnable de mystère. Les Fantômes du muet ravive cette aura irrésistible parce qu’exquisément surannée d’une « cérémonie hypnotique » aux confins de laquelle gît ce à quoi le désir s’est arrimé et ce vers quoi tout converge : un authentique Pathé baby à manivelle. À proximité de ce « rebut des années d’enfance », le narrateur découvre des boîtes pleines et de petits films burlesques, « Charlot, Félix le Chat, Harold Lloyd, Max Linder et les autres », et de bobines contenant le défilé de scènes d’un roman familial dont les « légendes effacées » appellent une réécriture.
Plongée en « apnée de l’imaginaire », le dernier opus de Didier Blonde est un « cryptogramme » où les éléments inhérents au mythe de l’histoire personnelle s’agrègent à la reconstitution d’une petite mythologie du serial. L’immersion dans l’obscurité coupable de salles désertes et silencieuses constitue en quelque façon le point d’orgue d’un rituel à l’obsession duquel une mémoire « bricoleuse » s’abandonne non sans un malin plaisir. Si Blonde convoque les noms encore très présents d’artistes du muet, ce n’est assurément pas pour flatter le goût équivoque et suffisant de cinéphiles avertis. En deçà de l’évocation allusive de cinéastes de renom, René Clair, Murnau, Robert Wiene ou Erich von Stroheim, d’œuvres non reléguées du cinéma expressionniste telles que M le Maudit et le Cabinet du docteur Caligari, l’attention à la fois microscopique et panoramique de l’auteur est concentrée sur les « coulisses » et l’étrangeté féconde de l’Anonyme. À Musidora, l’ « égérie des surréalistes », il préfère « ces actes manqués qui percent brusquement l’écran » comme l’intrusion d’un « simple passant de 1915 » dans une scène des Vampires de Louis Feuillade. Ou bien il s’attache à redonner voix, corps et âme, à ces acteurs autrefois célèbres condamnés à la péremption : René Navarre, l’acteur désincarné et protéiforme de Fantômas ; Ivan Mosjoukine, l’une des plus grandes stars du muet des années 20.
Véritable Dupin des balbutiements aphones et hiéroglyphiques du septième art, le narrateur-auteur entraîne le lecteur dans l’ « entre-deux, à la frontière indécidable du réel et de l’imaginaire ». Dans un remarquable hommage sous la forme d’une analyse minutieuse et très avisée, Baudelaire en passant (publié dans la même collection en 2003), Didier Blonde prend en « filature » le poète-chiffonnier dans le Paris des parias. En redessinant le parcours poétique et effectif du flâneur parisien, il sonde la perméabilité vertigineuse d’une imagination capable de convertir de la boue en or. Ce n’est donc pas un hasard s’il arpente à nouveau les rues parisiennes afin d’établir des correspondances propres à « recomposer le sens » d’une existence où réel et imaginaire sont intriqués et où l’héroïne d’un film de Feuillade peut se métamorphoser en belle inconnue qui « éveille le désir, en passant »
Au « temple » des archives cinématographiques, le fort de Saint-Cyr, Didier Blonde convie le lecteur au « visionnage » du Mystère des roches de Kador. Dans ce film, un psychiatre, le professeur Williams, s’applique à reconstruire la « scène refoulée dans l’inconscient » de la jeune Suzanne de Lorme au moyen d’un cinématographe. Le cinéma muet n’est-il pas une métaphore possible de l’andere Schauplatz, cette autre scène qu’est l’inconscient freudien ? Mais voilà, la scène reconstituée de l’agression est un « faux souvenir » qui voile un réel autrement plus douloureux. C’est que le vrai cinéma, comme l’inconscient les formations mensongères, affectionne les masques d’une parole silencieuse, à entendre. Et « si l’on reste sourd, c’est qu’on est sans désir » face à toute parole qui se retire. Sans désir face au « poème visuel » et animé qu’est tout sujet.

Les Fantômes du muet
Didier Blonde
Gallimard, « L’un et l’autre »
158 pages, 17,90

Des corps (r)animés Par Jérôme Goude
Le Matricule des Anges n°82 , avril 2007.
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