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Poésie Pelleter la neige

avril 2007 | Le Matricule des Anges n°82 | par Emmanuel Laugier

Les soixante-dix poèmes de Partie de neige, composés par Paul Celan deux ans avant sa mort, reviennent comme des couteaux sur la tâche éthique de l’écriture.

Partie de neige (bilingue allemand)

La Rose de personne (bilingue allemand)

Poète juif roumain de langue allemande, né à Czernowitz (où il vécut ses vingt-huit premières années), en Bucovine, Paul Celan (1920-1970) fut hanté toute sa vie par ce que les nazis firent de l’Europe, un vaste champ retourné de barbarie. Selon Jean-Pierre Lefebvre, traducteur de ce volume posthume, Celan écrira non pas une poésie de « l’après-Auschwitz, mais (celle) qui est » d’après Auschwitz « , d’après les camps, d’après l’assassinat de la mère, d’après les chambres à gaz, au sens ou d’après veut également dire » en fonction de…«  ». La Todesfuge (Fugue de mort), qui trouvera place dans son premier livre Pavot et mémoire (1952 il vit alors à Paris) en est la litanie bouleversante, la mémoire infernale et lucide de l’insistance que le poème doit justement perpétrer pour témoigner du témoin absent, celui qui aura été détruit dans les fours crématoires. Mais il faut aussi préciser, comme le rappelle Martine Broda, que le poème témoigne autant qu’il n’est, selon le titre lui-même du livre (1963), la rose de personne. Le poème ne prend pas la place du dieu surplombant, il est au contraire le creuset de l’absence de dieu, et le creusement par lequel doit s’envisager la déportation même de la tombe de l’homme. Arracher la mort à l’homme en le contraignant à creuser à l’avance ce que les nazis voulurent détruire de son unité, voilà ce à quoi se confronte le poème de Celan. Mais à l’inverse de ce qui détruit, le poème de Paul Celan, écrit dans la langue entachée des bourreaux, relève, dresse devant nous, à partir du problème historique et ontologique que fut la mise à mort massive des juifs d’Europe, une résistance où doit se louer le rien de ce que nous sommes : « Psaume » (La Rose de personne), mais aussi bien nombre de textes sur la tâche de l’écriture de Partie de neige, replace ce renversement tout à la fois tragique et ironique, de façon cruciale : « Personne ne nous repétrira de terre et de limon,/ personne ne bénira notre poussière./ personne.// Loué sois-tu, Personne./ Pour l’amour de toi nous voulons/ fleurir./ Contre/ toi ».
Dédié au poète russe Ossip Mandelstam (Paul Celan fut l’un de ses traducteurs), mort en 38 à Voronej (Sibérie) par le régime stalinien, La Rose de personne se rallie à lui comme à l’un de ses frères, sans doute le seul, le poème « Sibérien » y nommant bien la filiation tragique et l’horreur de l’Histoire. Travaillant dans sa syntaxe au rappel des motifs des poèmes d’Ossip (les étoiles, les cailloux blancs) aussi bien qu’à la part commune qui les relie, Paul Celan peut écrire : « A travers les champs de décombres, ici,/(…)/ Je suis couché là et te parle,/ un doigt/ écorché vif ». C’est peut-être aussi à ce frère que pense Partie de neige, en incluant au sens de la part dévolue d’une prestation musicale (au rôle qu’elle peut avoir), l’espace d’un champ entier où s’est resserré l’étau de l’ignoble contre l’ouverture de l’existence libre, telle qu’elle put être dite dans le Voyage en Arménie de Mandelstam.
Partie de neige, par l’ordre savamment déconstruit de sa syntaxe, par la rudesse de ses coupes, la densité rugueuse de ses images (géologiques et botaniques), mais aussi en prenant en charge le contexte historique des années 68 (révoltes étudiantes, mouvements sociaux) et les circonstances de l’existence présente, est un autoportrait bouleversant par lequel l’écriture devient « mâchoire/ coupante,/ tu mords ma peau à travers la chemise et t’accroches », c’est-à-dire « quelque chose de soufflé/ dans une conque de poings d’enfant ;// quelque chose de ma/ matière et d’aucune ». Sa part de neige en somme, de celle qui se désenchevêtre du ciel.

Paul Celan
Partie de neige
Traduction
et présentation de J.-P. Lefebvre
Le Seuil
178 pages, 20
La Rose
de personne

Traduction
et postface
de M. Broda
Le Seuil,
« Point-poésie »
196 pages, 6,50

Pelleter la neige Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°82 , avril 2007.
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