Un livre

Tragédie de Lurs

de Jean Meckert

Editions Joëlle Losfeld

Chez Joëlle Losfeld, c’est en ce moment le grand chantier… et quel chantier ! Tant mieux pour nous, la maison d’édition a entrepris, avec tout le sérieux qu’on lui connaît, de republier tout ou presque de l’œuvre de Jean Meckert (1910-1995). Celui-ci compris, déjà quatre volumes ont paru compilant ici des introuvables, réunissant là des inédits. En son temps admiré par Gide ou Queneau, Jean Meckert, on le sait peut-être, a principalement signé des romans et, sous le nom de Jean Amila, des polars. C’est même, dans la fameuse Série Noire, un auteur de tout premier plan. Puis il y a, atypique dans son œuvre, ce texte, La Tragédie de Lurs, initialement publié en 1954. Tous autant que nous sommes connaissons cette tragédie, certes pas forcément sous ce nom, mais sous cet autre : l’affaire Dominici. Dès la nuit du 4 au 5 août 1952, quand éclate ce sordide fait divers qui voit le triple assassinat d’une famille anglaise de passage à Lurs, petit village des Alpes-de-Haute Provence, Meckert couvre le sujet pour France Dimanche. Ce « meurtre-mystère », il le suit de très près sur le moment et deux ans plus tard, à la demande de Gaston Gallimard, il le reconstitue en son entier. Dans ce témoignage au long cours, il ne raconte pas tant « l’histoire d’un crime que l’histoire d’un spasme d’opinion devant un spectacle gratuit ». Voilà un bien utile fil d’Ariane qui nous ramène aux origines d’une affaire qui, pour être aujourd’hui close dans les prétoires, court encore dans la mémoire collective. Outre les ressorts d’une enquête haletante, aux rebondissements multiples et dignes d’un roman policier, Meckert décrit l’envers du travail journalistique, décryptant sa mécanique et ses rouages. Il montre comment se construit l’information, comment le système médiatique s’emballe. Et aussi, comment les médias, plutôt que transcripteurs, sont alors pleinement acteurs de cette affaire qui défraya tant la chronique à l’époque. Synthétique, d’un style efficace, ce document précieux et tout en nuances remet de l’ordre, et du doute, dans une

La Tragédie de Lurs de Jean Meckert, Joëlle Losfeld, « Arcanes », 243 pages, 10 €