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Poésie Cendres et contre-chant

janvier 2009 | Le Matricule des Anges n°99 | par Richard Blin

Creusant sa parole inassouvie, Mathieu Bénézet poursuit, entre vie et didascalies, l’ombre imparfumée de l’amour d’aimer.

Ne te confie qu’à moi

Il y a de l’impossible chez Mathieu Bénézet, dans la façon qu’il a de se sentir séparé de sa vie et déchiré par sa « haine de la poésie » entendue comme lieu de toutes les illusions et de toutes les déceptions. « ° je me voulus peintre de la guerre & de la langue°/ c’est impossible ° j’accepte le rang d’étranger ° et le vertige/ de ne pas partir ° 1 bloc moderne ° attaché à rien° ». Une forme de vivre-mourir dont témoigne une œuvre hantée par la douleur du négatif.
Mathieu Bénézet n’avait pas publié de livre de poèmes depuis L’Aphonie de Hegel (Obsidiane, 2000) dans lequel il soulignait « la videvie » où le laissait la poésie, incapable qu’elle est de concilier la perte avec l’infinie liberté du cœur, de donner âme et chair à cet obscur désastre qu’est le tête-à-tête éperdu avec tout ce qui n’est plus. Ne te confie qu’à moi poursuit, sous une autre modalité, le même travail d’amour et de deuil.
« Comment dire quand Dire signifie qu’il n’est pas là », sinon en bégayant son essentiel mal d’être, dans un langage en ruine et dans des poèmes à l’architecture incertaine. Ce sont laisses syncopées, chutes, poèmes caviardés, suites tremblotantes se déclinant en dix-huit séquences saturées de solitude et impartageables. « Pourquoi dire que chaque parole est creusée/ comme 1 abîme Et non/ l’inverse L’abîme/ ne pourrait-il être creusé telle 1 parole/ N’est-ce pas 7 parole/ que nous devons capter/ sur quoi laquelle nous devons nous pencher/ tenter de la désimbriquer d’elle-même/ lui faire quitter la nuit Que 7 remontée/ se nomme pensée ou poésie ou art ou/ seule compte qu’elle ait lieu/ du moins de s’y essayer à/ s’y rompre le cou les os et l’âme ». Car refusant la poésie qui veut n’être que de la poésie, Mathieu Bénézet revendique une poésie qui pense, aux prises avec l’être, en proie à l’absence, au tragique, à l’impuissance. « Que peut la nudité - emmurée -/ dans 1 cerveau/ les rosiers oublient - de crier -/ sur le papier/ 1 pétale de rosier peut-il/ toucher la lèvre -/ d’un homme de papier ».
Il y a là une façon de s’adresser à son lecteur comme à ce toi qui est à la fois soi-même et l’autre, une façon de mêler les temps et les géographies, de les assortir à l’écho d’autres voix (Baudelaire, Héraclite, Ovide, Pétrarque, Leopardi…), qui donne à entendre le travail d’amour et de deuil dont nous parlions plus haut, une sorte de « Je suis rongé par les vers » dont l’ironie théâtrale induit le lecteur à laisser flotter le sens (dès le tout premier vers - « Cela, sonnet, indiscernable »), invite à entendre les mots comme ne possédant pas de sens univoque.
Une écriture dans son frayage, n’ensemençant que du vide. « Tu es l’homme qui marche/ dans des choses contaminées le/ signe t’a oublié le sens ne/ t’accompagne pas le chemin/ de roses est un chemin de pierres/ pierres imparfumées/ pierres sourdes ». Un dit derrière lequel se sent l’opacité intégrée à la luminosité des choses et des mots. La langue en est touchée, l’écriture en porte trace jusque dans l’étrangeté rythmique du vers, sa trame, sa modulation catastrophée. « ° je n’écris + de poésie : j’écris la biographie de la poésie : vie & mort de la poésie/. J’ose le jeu de mots : décésption /. » D’où toutes ces scènes vides ou évidées, traversées d’ombres de présences et d’où le sens s’absente. Une façon de poursuivre en aveugle l’ombre sombre du « lilas imparfumé », d’inventer « des hanches aux/ montagnes », de « dormir dans la peinture », de se souvenir que sous la beauté qui abonde, il y a encore « trop de vérité » et pas d’amour.

Ne te confie qu’à moi
Mathieu Bénézet
Avec des dessins de Philippe Hélénon
Flammarion, 192 pages, 18

À lire aussi Lettres à M.B.
Claude Adelen à Jean-Jacques Viton
Le Préau des collines N°9, 250 pages, 18

Cendres et contre-chant Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°99 , janvier 2009.
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