Le nom de Dino Buzzati (1906-1972) reste en France cantonné à la parution du Désert des Tartares, roman éthéré qui a phagocyté son auteur. De l’écrivain lui-même, peu de chose a filtré pour le grand public. Or, Dino Buzzati a été un intellectuel profondément engagé dans la société italienne. Il a été journaliste sportif, critique d’art, chroniqueur, correspondant de guerre. Tout le contraire d’un artiste enfermé dans son atelier. L’acuité de ses observations et la longue expérience du terrain se retrouvent dans ces Nouvelles inquiètes, inédites en France, rassemblées en 2006 par les éditions Robert Laffont pour célébrer le centième anniversaire de la naissance de l’auteur. Pour la plupart, toutes ont été publiées pour la première fois dans les années 50, dans la presse, notamment dans Il Corriere della Sera. Elles épousent la forme des elzeviri, une particularité transalpine. Sur l’espace de deux colonnes (quelques pages d’un livre), un journal invitait un grand nom de la littérature et lui confiait cet espace dans lequel il était libre de s’exprimer sous une forme artistique. Dino Buzzati s’est montré un expert de ce format court. Si l’organisation des textes se révèle classique, il y règne une atmosphère de mystère qui, en quelques lignes, transporte le lecteur dans un monde sans repères : « A certains moments, c’est vrai, le réel et l’imaginaire se ressemblent étrangement ». La Mort fait son apparition, tantôt en Grande Faucheuse de carnaval, tantôt en héraut plus discret : « Au volant, pâle, était assise Celle qui éteint toute joie ». Si Buzzati colle à la ligne éditoriale du journal en proposant, par exemple, quelques leçons d’éthique politique, il visite aussi la fable, la farce, suscite l’effroi sans verser dans l’horrifique. Il puise dans la culture populaire et les superstitions des campagnes, s’autorise des finals qui sonnent comme des avertissements : « il ne faut jamais agacer les obscures puissances qui rôdent de par le monde, se manifestant à l’improviste ici et là par signes hermétiques », une phras
Nouvelles inquiètes
de DINO BUZZATI
Traduit de l’italien par Delphine Gachet, 10/18,
388 pages, 8,60 €
Poches Nouvelles inquiètes
avril 2009 | Le Matricule des Anges n°102
| par
Franck Mannoni
Un livre
Nouvelles inquiètes
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°102
, avril 2009.