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Poésie À bon port

novembre 2009 | Le Matricule des Anges n°108 | par Emmanuel Laugier

Plus de vingt ans de travail auront été nécessaires à la traduction intégrale du Maximus, le livre-monde de Charles Olson. Événement.

Poèmes de Maximus

Si des extraits du Maximus parus ici et là purent faire sentir le pouls de la langue de Charles Olson, la traduction intégrale de cette somme permet aujourd’hui de mesurer l’ampleur, la puissance et la multiplicité des entrées qu’elle offre à son lecteur. Le poète américain forme en effet dans l’après-Deuxième Guerre mondiale le projet d’écrire « un poème qui couvrirait l’histoire de l’homme occidental depuis 2500 ans, partant d’Ulysse, et passant par Faust, Colomb, Montezuma, Washington, Daniel Boone et s’achevant sur (…) une figure à laquelle il donne plus tard et provisoirement le nom du héros méso-américain Quetzalcoatl » (Auxeméry). Au tournant de ces années-là, Olson quitte ses responsabilités démocrates au sein de l’administration Roosevelt, refusant la direction des Postes. Il est alors l’auteur d’un premier essai, Lear and Moby Dick. En 1945, Maximus semble déjà s’écrire à l’arrière-fond de certains textes, comme The K, poème télégramme qui annonce l’œuvre à venir et sa politique : « Tenez, la voici, ma réponse : / il y a un flux en l’homme / qui le porte vers sa propre lune », sans quoi l’homme n’atteint pas son « Je turgescent », et se condamne à errer « sur les bas fonds des tourments » (Shakespeare). L’enjeu du Maximus se comprend à la revendication de reconstruire le réel (référence au Moby Dick), de s’y initier en le fréquentant dans toutes ses manifestations.
Gloucester, la dernière ville des migrations.
Travaillant les plus profondes inflexions de sa langue depuis le modèle homérique, shakespearien ou melvilien, le Maximus, qu’Olson ne cessa d’écrire durant vingt ans et jusqu’à sa mort en 1970, s’apparente à un long poème d’adresses, tel un jeu de cartes sans cesse déployé. Le Maximus ne souffrirait pas la comparaison avec cet « entrepôt magnétique » qu’est le Zibaldone de Leopardi, les chants des Cantos de Pound ou encore avec la géographie poétique que le Paterson de William Carlos Williams invente après Whitman. Livre-vie pour chacun, où les savoirs et l’Histoire, l’encyclopédisme réel, la liberté de penser la forme comme l’extension de contenus, se croisent comme la réalisation la plus haute de l’existence. Pour Olson comme pour Williams, le poème ne pouvait pas ne pas interroger le lien entre l’individu et la communauté, le local et un universalisme (singularité) résistant à toute globalisation et puissances régressives (du mercantilisme, du pouvoir, et autres aliénations). Après les Feuilles d’herbe de Whitman, et l’entrée de l’idée démocratique dans l’ode poétique, Williams fit de la ville ouvrière de Paterson (New Jersey) le centre-monde de la scène de son écriture, en somme de sa politique. Charles Olson, lui, centrera son Maximus sur Gloucester, ville de pêcheurs sur la côte atlantique, dans le Massachusetts. « Maximus », son narrateur et scribe exclusifs, directement lié au philosophe grec éclectique du IIe siècle Maximus de Tyr, sera le plus fidèle compagnon des métamorphoses de son écriture, une sorte d’Hérodote, conciliateur virtuose du style de l’Historia tel qu’Olson entendait l’écrire en ne séparant pas les puissances du logos de celles du muthos. Si les séjours estivaux à Gloucester durant l’enfance, sa participation en 1936 (il a 26 ans) à la pêche d’été sur la goélette Doris M. Hawes, qu’il relate dans plusieurs lettres du Maximus y sont déterminantes, c’est d’abord, et presque contre tout subjectivisme, qu’Olson voit dans Gloucester la dernière ville des migrations, à l’autre bout de l’océan. Celle qui sut accueillir et brasser une hétérogénéité de peuples qui en font sa beauté, « résultante d’un croisement, précise Auxeméry, de Terre-Neuvas, d’émigrés rejetés par les Puritains, de Basques, de Siciliens, tous gens de mer, individus-îles nés de l’écume du temps ».
Séparée du continent par une rivière à marée (l’Annisquam) - elle « trouve son analogue avec l’antique ville de Tyr » et voisine avec « Gaza, écrit Olson, seule ville à avoir résisté à l’universalisation opérée par Alexandre » - Gloucester sera narrée selon l’esprit d’une méthode claire. Il s’agira toujours, comme il l’aura dit dans son fameux essai Projective verse, de faire que toutes écritures allient ouvertement la force du « projectile », du « percussif » et du « prospectif », que la forme soit l’émanation du « contenu instant » où se concentrent et se densifient toutes les strates du temps. Publié en trois sections, en 1956, 1968 et en 1975, Les Poèmes de Maximus sont comme le grand corps de la baleine de Moby Dick : on en finirait pas de les citer, de montrer leur intellection, ou comment les éléments sensibles les traversent comme cette « Neige du soir » (p. 488) : « Dans le crépuscule neige durant moins d’une minute / moins que le temps que je me donnais pour écrire / que le vert virant au blanc du draguer Santa Lucia / était, il y a deux minutes, exactement la couleur / des yeux de la Sainte, tels quels » (…).

Les PoÈmes de Maximus de Charles Olson
Traduit de l’américain et présenté par Auxeméry
Édition La Nerthe, 920 pages, 40

À bon port Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°108 , novembre 2009.
LMDA PDF n°108
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