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Domaine étranger Chants d’honneur

juillet 2011 | Le Matricule des Anges n°125 | par Pascal Jourdana

Fin d’un ample cycle sur la guerre civile espagnole, restituée par Max Aub. Entre défaite et espoir.

Le Labyrinthe magique vol. 1 Campo cerrado

Le Labyrinthe magique vol. 2 Campo abierto

Quand l’écrivain Max Aub décida de se consacrer à la guerre civile espagnole, il écrivit : « Je relaterai, à ma manière, certains événements de notre guerre ». Pourtant c’est par hasard qu’il arrive en Espagne, et il n’y vécut qu’une maigre portion de sa vie. Né en 1903 de père français et de mère allemande, il devint espagnol en 1914, lorsque la guerre éclata et que sa famille vit en l’exil une planche de salut. Ce départ initial se renouvellera sous diverses formes : en 1939, quand, dénoncé par les franquistes comme « israélite » et « rouge », il se réfugia à Paris avant d’être interné dans de nombreux camps administrés par une France indigne, puis en 1942, quand il parvint à s’échapper au Mexique, où il prit la nationalité mexicaine. Des « exils » qui se poursuivirent même après la mort de l’écrivain puisque notre pays continue à ce jour d’ignorer ses textes écrits en français (dont l’important Jusep Torres Campalans, une biographie fictive d’un peintre catalan) et que l’Espagne ne l’honore que depuis la fin des années 80.
Max Aub fut pourtant conseiller culturel de l’Ambassade d’Espagne en France, où il commanda à Picasso le fameux Guernica pour l’Exposition Internationale de Paris en 1937, puis directeur de théâtres à Barcelone, où il collabora en 1938 avec Malraux pour son film Sierra de Teruel, adapté de L’Espoir. Cette rencontre fut déterminante pour son œuvre littéraire, car il admirait en Malraux la capacité de concilier fiction et réalité historique. Le Labyrinthe magique, nourri de techniques narratives proches de celles de l’auteur des Conquérants, illustre bien cette parenté. Il en entame l’écriture en France en 1939, avec Campo cerrado, et l’achèvera trente ans plus tard avec Campo de los almendros. Ce mot, campo, figure dans chacun des six titres du cycle. Une référence aux nombreux camps où Aub a séjourné, certes, mais également une manière d’user de la polysémie du terme (qui signifie aussi champ, terrain, campagne…) pour couvrir tous les aspects de la guerre civile, flanquée de la « condition humaine » qui s’y exacerbe. Ce grand récit en forme de témoignage, où souvent le narrateur s’efface pour laisser la place aux personnages, fictifs ou réels, ces derniers étant aussi bien des compagnons de route que des personnalités illustres. Le tout s’articule en une multiplication de récits brefs et de dialogues copieux, faits de débats idéologiques comme de conversations anodines. Un travail, soulignons-le, admirablement traduit par Claude de Frayssinet. Le leitmotiv du labyrinthe apparaît dès l’ouverture, où un taureau dont on enflamme les cornes (cruel cérémonial populaire) court affolé dans les rues du village barricadé. Pris dans ce dédale, « l’animal cherche furieusement cinq, six, sept fois son inatteignable issue  », image de l’enfermement du pays dans la tragédie de la guerre civile et qui sera reprise dans le volet final, quand Alicante, port d’où de nombreux réfugiés espèrent être évacués pour enfin retrouver la liberté, se transforme en nasse, encerclé par les forces italiennes. Le fil narratif lui-même, multiforme, se nourrissant de pistes diverses, de destins croisés, de combats, d’anecdotes… est comme un labyrinthe temporel, provoquant parfois vertige et angoisse. « L’homme est mauvais, par nature. Et l’Espagnol l’est aussi, naturellement. En sortant du paradis, nous avons été précipités dans un labyrinthe. J’ai perdu le fil, donc je suis perdu. Nous sommes perdus.  » (Campo de los almendros).
Dans Campo de sangre, Max Aub s’interroge sur la comédie et le théâtre, qu’il pratiqua : « Le comique est une belle cible pour les francs-tireurs. Défense passive. Le comique ou le caméléon. Chacun se défend comme il peut ». Et plus loin : « Le rire est universel et le drame national (…)  ». Manière anticipée de désamorcer l’amertume de la fin du cycle, la disparition d’un monde où se joue le sort des perdants, à quoi on peut ajouter la nostalgie romanesque interne, l’écrivain disant adieu au monde imaginaire qu’il a créé ? Mais le dernier volet marque aussi une sorte de victoire, celle de l’homme qui n’a jamais renié son pays, lui consacrant une œuvre d’une force rare, méditative et ardente, où la fiction sert une rude réalité. La fidélité « espagnole » de Max Aub est cependant très éloignée d’un simple nationalisme. Il écrit, à propos de Manuel Azaña (« personnage » du Labyrinthe, président de la République espagnole de 1936 à 1939, et qui a bien des points communs avec lui) : « Il serait capable d’abandonner l’Espagne pour sauver Les Ménines ». Aub, de son côté, affirme : « Mort, je continuerai d’écrire : je fais don de ma parole écrite », tout en se demandant « Quelle est cette foi qui me soutient ? » On ne sait, mais elle a engendré un monument littéraire.

Pascal Jourdana

Le Labyrinthe magique
Max Aub
Cycle romanesque en six volumes
Traduit et préfacé par Claude de Frayssinet
Les Fondeurs de Briques, de 176 pages à 688 pages
De 17 à 30  ; (selon les volumes).

Chants d’honneur Par Pascal Jourdana
Le Matricule des Anges n°125 , juillet 2011.
LMDA PDF n°125
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