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Domaine français Éloge de la fiction

octobre 2011 | Le Matricule des Anges n°127 | par Richard Blin

En privilégiant l’imagination contre les oukases de la raison, c’est la magie du livre et le plaisir de lire que célèbre le nouveau roman de Thierry Laget.

La Lanterne d’Aristote

La vie est une chose, le roman en est une autre. Il est là pour faire mentir l’apparente vérité de la vie, suggérer qu’elle n’est peut-être qu’une invention d’auteur. C’est cette nature franchement déraisonnable du roman, son côté rêve – même sous forme de cauchemars –, son infantilisme sublime, son univers en trompe-l’œil, et sa foncière amoralité qui nous font l’aimer. Ce plaisir de l’imagination, cette façon de faire face à l’étrange, au merveilleux, à l’inexplicable, Thierry Laget les cultive et en fait œuvre, comme dans cette Lanterne d’Aristote où il donne libre cours à sa verve romanesque et à son amour de la littérature.
Un roman dont le personnage principal est une bibliothèque – celle du château d’une comtesse qui a chargé le narrateur d’en dresser le catalogue. Lieu romanesque par excellence, mélange de chambre secrète et d’image de tous les savoirs, la bibliothèque contient le monde autant que les infinies possibilités d’être. « Toute la vie était là, non seulement la vraie vie littéraire, mais la vie de verroterie, d’illusion, d’enchantement, de rêves contrefaits, la vie pailletée d’étincelles et d’ombres mouvantes, la vie mortelle enfin telle qu’elle s’imposait à nous, lecteurs de livres. » Depuis cet univers de paradoxes et de contradictions qu’est la bibliothèque, impossible donc de se contenter d’une vision simplifiée des choses : les vérités ne sont que celles d’un instant, et vivre consiste à gérer plusieurs réalités concurrentes, à l’instar de ce qui attend le narrateur dans sa vie de château.
Tout se passe en effet comme si, en pénétrant dans ce château, il était devenu le personnage d’un rêve ou d’un roman, d’un univers de reflets, de simulacres où les temps se mêlent, coexistent, se télescopent. Un monde réglementé par le hasard et les coups de théâtre. La bibliothèque, les livres, sont le foyer à partir duquel irradie toute une série de faits qui semblent condenser l’essence même du romanesque. Nous avons un château, une comtesse qui se croit bigame, un fantôme, des mariages clandestins, des souterrains, des morts violentes, des passions secrètes, du libidinal, des relations diagonales, des nuits agitées, les braiments nocturnes d’un âne. Un univers où la « réalité » semble sans cesse se dérober, où le mystère est constamment latent, où l’imprévisible ne cesse de surprendre le lecteur.
C’est donc à une redécouverte des pouvoirs perdus de la fable et de la fiction qu’invite ce roman – qui peut aussi être lu comme l’illustration de tout ce que notre représentation du réel doit à des fictions inavouées, voire inavouables. Tout en détours labyrinthiques et dynamique ondoyante, l’écriture déploie ses fastes et ses masques pour dire le caractère vital de l’imaginaire et rappeler que l’important, dans le roman, n’est pas le vrai mais l’émotion du lecteur. Variations d’intensité, jeu d’échos, entrelacs serré d’interactions entre effets de réel et distanciation sont là pour nous suggérer combien le romancier est un montreur d’ombres, un nécromant, un illusionniste à qui l’on ne demande pas d’être sincère mais d’émerveiller. D’où la part de jeu et de désinvolture assumée, l’attention apportée au rêve en tant que face nocturne de l’existence tout autant créatrice de « vécu » que l’éveil. D’où aussi de savoureuses digressions, sur l’art d’apprêter les vieux bouquins pour les rendre comestibles, par exemple, ou sur la morphologie de l’oursin – façon détournée de rappeler que tout livre est à lui seul une bibliothèque et que les choses n’existent que parce qu’on les a dites. « Seuls comptent les mots qui ont été articulés ; ce qui n’a pas été dit n’existe pas ; ce qui n’est pas raconté n’est pas advenu. » Preuve que les livres sont un élément de la vie, et que, comme le savait si bien Proust, la vraie vie, « la vie enfin découverte et éclairée, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c’est la littérature ».

Richard Blin

La Lanterne d’Aristote
de Thierry Laget
Gallimard, 334 pages, 19

Éloge de la fiction Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°127 , octobre 2011.
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