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Domaine étranger New York halluciné

avril 2012 | Le Matricule des Anges n°132 | par Lionel Destremau

Paternostra d’Eugene Robinson ou quand on n’a plus pour Graal que l’appât du gain.

D’Eugene S. Robinson nous n’avions, en France, que l’image d’un chanteur un peu spécial, celui du groupe Oxbow, mêlant noise rock, jazz, blues et musique concrète, et d’un performeur qui se balade en slip sur scène avec une énergie plus que soutenue. Dans les textes comme dans la musique, Oxbow met en avant une violence qui semble à la fois fascinante par la tension et l’énergie qu’elle libère, et problématique par la dangerosité de son épanouissement. Il y a donc une certaine logique, une continuité d’inspiration, à retrouver dans Paternostra cette violence extrême.
Tout commence quand Jake, jeune type plutôt cool, qui sans être vraiment malhonnête améliore l’ordinaire avec des petites combines, en a soudain assez de courir après le fric. Comment se regarder en face quand on n’est pas capable d’inviter sa copine Easy dans un bon resto ? Il braque des diamantaires dans le quartier juif, en flingue deux au passage, et repart avec son butin. La belle vie lui tend les bras… si tant est qu’il soit capable de refourguer les bijoux et d’en tirer un bon prix sans se faire doubler. Bien sûr, rien ne se passera comme prévu, et Jake Paternostra va se retrouver avec un sacré monde aux trousses, tant la police de New York qui, même corrompue jusqu’à la moelle subit la pression de la communauté juive horrifiée par l’assassinat de ses membres, que les malfrats de tout bord qui vont tenter de lui reprendre les diamants. À partir de ce fil narratif, Robinson soulève un paradoxe temporel dans la mise en situation du New York déjanté des années 70 : pour les New-Yorkais d’aujourd’hui, la ville du passé qu’il décrit ressemble à un univers de science-fiction ou d’anticipation, comme si on avait oublié à quel point la cité avait pu être gangrenée par le crime et la drogue : « New York. La cité de la puanteur et de l’agitation, mue par le bifton qu’on allait empocher, emprunter ou piquer dans les coulisses, les vitrines ou les trottoirs du crime. » C’est dans ce monde de chaos que naviguent ses personnages, et il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, arnaqueurs, voleurs, dealers, assassins, punks hallucinés et vétérans du Vietnam accros à l’héroïne, homosexuels psychopathes et arrivistes côtoyant les gangsters de la vieille école mafieuse… « Le coût de tout est le prix du sang qu’on paie pour garantir la continuité de son existence. Les choses n’existent pas en dehors de ça, et si elles existent, c’est en tant qu’offense à la nature et devraient donc être détruites.  »
Certains passages font penser à Tarantino (pour exemple des personnages dénommés Blue, Brown, Red…) et notamment pour le côté blaxplotation qui baigne le roman. Mais Tarantino s’étant justement inspiré de vieux pulps des seventies, on est loin d’une écriture « extrême contemporaine ». Au con- traire, le ton, le style sont assez classiques, plus proches de la veine roman noir hard boiled à la Chester Himes. Robinson privilégie la vitesse de traitement pour donner du rythme à son roman, tout en passant d’un personnage à un autre en une galerie de portraits croqués à coups de dialogues secs mais non dénués d’humour. Inutile de s’appesantir sur la description d’un monde quand on peut passer par la voix des protagonistes pour se faire : leurs faiblesses (bien souvent d’une intelligence crasse) ou à l’inverse leur esprit tordu et malin tout entier tourné vers l’appât du gain sont à l’image de la ville. On tue, on torture sans remords. Cela fait partie du jeu, alors à quoi bon s’attarder sur des questions morales ? « Le fait d’être un homme impliquait qu’on considérait plein de conneries comme acquises, et tous ces trucs sur la moralité ou l’immoralité de presque n’importe quoi était une plaisanterie que seuls les gamins et les rêveurs ne pigeaient pas. On était censé rigoler pendant tout le trajet jusqu’à la tombe, après toute une vie, courte au demeurant, qui consistait à baiser et à se faire baiser. »

Lionel Destremau

Paternostra
d’Eugene S. Robinson
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas
Richard, Inculte, 302 pages, 22

New York halluciné Par Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°132 , avril 2012.
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