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Domaine français Temps perdu

avril 2012 | Le Matricule des Anges n°132 | par Anthony Dufraisse

Le Suisse David Collin signe un roman à suspens sur les mystères de la mémoire, la tentation de l’oubli et les morsures de l’Histoire.

Les Cercles mémoriaux

Partout, du vide. Dedans, dehors. Le vide des paysages de la Mongolie des confins, immenses, arides. Et le vide intérieur d’un homme sans repère car amnésique. Le livre s’ouvre sur l’état de confusion mental de ce « naufragé du Gobi », un être déserté, c’est le cas de le dire, par les souvenirs. Tout ce qui suit ne sera qu’une difficile tentative de revenir « à la surface », de se tenir « hors des remous », car la mémoire, comme la mer, tourbillonne, va et vient par vagues, agitée en son fond par des courants contraires. C’est un roman puissant que David Collin a composé là. Cet homme de radio a donné en 2007 le remarqué Train fantôme et, d’une certaine manière, ici aussi il y a quelque chose de fantomatique, ce personnage qui se cherche un passé étant sans cesse habité par des présences-absences. Ce roman est donc d’abord celui d’une quête identitaire, le récit d’un cheminement psychique. Et physique. Quittant le désert du Gobi pour la Chine puis gagnant l’Amérique latine, celui qu’on appelle le « rescapé », puis Élias, part à la rencontre du temps perdu. À travers la steppe, Shanghai, Buenos Aires, d’une rencontre la suivante, des trous noirs se comblent et s’éclairent. Mais loin de se dénouer, la narration, au contraire, tire de nouveaux fils dont certains, tels des barbelés, piquent au sang. De fait, ce qui aurait pu n’être qu’un pastiche de Borges évolue insensiblement vers une intrigue historique. Va se révéler peu à peu un terrible secret qui remonte à l’époque de la dictature argentine. Si on n’en saurait dire davantage sous peine de tout dévoiler, on peut en revanche s’attarder sur les rôles successifs que le personnage endosse pour recouvrer la mémoire.
Au commencement, c’est d’abord un sentiment d’aventure subie qui paraît dominer en lui. Car l’amnésie laisse l’esprit comme une terre vierge à défricher. Et pour l’homme sans attaches, toute chose est un saut dans l’inconnu. « Il a des airs de Lawrence d’Arabie », relève Shen-Li, celle qui partage son voyage, sa quête et bientôt sa vie. Puis, les souvenirs revenant, d’explorateur le personnage se fait archéologue : « Chaque jour, il dégageait davantage le tumulus impénétrable de sa mémoire. Tel un archéologue qui s’entête à creuser dans une terre sèche et aride parce qu’il sait que dessous, il trouvera les restes pétrifiés d’une ancienne cité. Il inspectait ses propres fondations, le socle évanescent de ses souvenirs ». C’est ensuite dans la peau d’un funambule que David Collin glisse son personnage : « Entre passé et présent, entre rêveries et réalité, Élias tanguait en déséquilibre de part et d’autre d’une ligne incertaine. Il n’était ni d’un côté ni de l’autre mais des deux à la fois. Sans futur, il était comme ces nuages, des formes éphémères (…), malléables à volonté, déformées par le temps et les fantaisies de l’imaginaire ». Ce dernier mot a son importance car chemin faisant le protagoniste s’interroge de plus en plus sur la nature de sa remémoration, qui tourne en rond. Collin pose la question de la part d’invention dans les mécanismes de la mémoire. Où finissent les souvenirs, où commence l’imagination ? Toute biographie n’est-elle pas tentée par l’oubli, la tabula rasa ? Dans « ce voyage à rebours » vers ses origines, le personnage doute : « Elias se demandait s’il n’avait pas rêvé une fois de plus, s’il n’avait pas tout inventé. Quel était le rôle de son imagination dans la réapparition de ses souvenirs ? Étaient-ils fidèles à sa première vie ? Pouvait-on retrouver l’intégrité de sa mémoire ? »
Bref, c’est un mélange de méditation et de suspens qui donne au roman de David Collin son envoûtement. La fascination opère d’autant plus que, dans ce théâtre d’ombres, son écriture tend naturellement à la clarté.

Anthony Dufraisse

Les Cercles mémoriaux
de David Collin
L’Escampette, 208 pages, 17

Temps perdu Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°132 , avril 2012.
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