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Domaine français Habiter le temps

avril 2012 | Le Matricule des Anges n°132 | par Richard Blin

Veilleur de l’invisible, Jean-Paul Goux nous offre un récit hanté par la solitude du créateur.

Le Séjour à Chenece

Jean-Paul Goux, c’est d’abord une œuvre portée par un univers de voix qui se tissent, s’entrelacent, se font écho. Ce sont des livres dont les phrases-paysages invitent à un cheminement parmi des sites ou des territoires qui eux-mêmes se déplacent en donnant forme et contenu à la vie – ou aux vies – que l’auteur tente de ressaisir. Des livres qu’il faut donc lire lentement, au rythme du voyageur qui se déplace à pied. Mais J.-P. Goux, c’est aussi une manière d’ouvrir l’espace romanesque à la question du comment se construire ? À partir de quel héritage, de quels lieux, de quels livres ? Des questions qui ne cessent de traverser une œuvre qui compte essais, récits, romans, en particulier ceux de la trilogie des Champs de fouilles et ceux de la trilogie des Quartiers d’hiver qui, entamée avec L’Embardée, s’est poursuivie avec Les Hautes falaises et se clôt aujourd’hui avec Le Séjour à Chenecé.
Récit écrit à la première personne – « Je suis Alexis Chauvel, pauvre d’esprit, comme ils disent, depuis plus de quarante ans gardien de l’Epine… » (une abbaye en partie ruinée sise sur une sorte d’île bordée de falaises dominant les vagues des prés et des bois) –, Le Séjour à Chenecé est la prenante confession-méditation d’un homme qu’animent le sentiment de l’incognito et celui du temps charnellement éprouvé au fil des jours et des divers espaces clos de cette ancienne abbaye où la tribu familiale se retrouve pour les vacances. Dès le plus jeune âge incapable de fixer longtemps son attention sur un objet de pensée, Alexis n’a pu poursuivre ses études et a été chargé du gardiennage de l’Epine où, enfant il a passé des journées et des journées, seul, au milieu de tous, isolé dans une pièce cachée – « l’armoire » – passant son temps à « nébuler », c’est-à-dire à se laisser envahir par une « passivité heureuse », un « enchantement bienheureux ». « On aime se taire parce que trop de voix vous entourent, et puis on cherche à se soustraire à leur présence et l’on s’enfuit dans une pièce close, l’on découvre alors qu’on est invisible en observant que nul ne remarque vos absences puisque, ne parlant jamais, vous ne signalez pas davantage votre existence par votre présence que par votre absence ».
C’est donc à la quête de preuves de son existence qu’il va se consacrer, en poursuivant, sur le modèle des plaques de verre trouvées dans «  l’armoire », un travail photographique sur les « manières de montrer Chenecé », puis en restaurant le verger. Des initiatives qui rendent apparent le mouvement immobile du temps, et une manière de l’habiter à laquelle la lecture de la Légende dorée, et la découverte de la Vie de saint Alexis, va soudain donner un sens. De cette histoire d’un homme qui vit inconnu dans la maison de son père, de cette figure à laquelle Hofmannsthal assimilait le poète, Alexis va faire un frère et un modèle. Il comprend que l’incognito « est l’art d’accéder solitairement à la vérité sur soi-même », il réalise que tant qu’il ne sera pas « dûment formé pour être en Lettres bien pourvu », il ne pourra écrire ce livre de sa vie qui lui permettra, peut-être, de se reconnaître tout entier. Alors il lit, note, se consacre corps et âme à ce projet. Et c’est la face cachée de la création qu’ainsi nous révèle Goux. Il nous dit que l’essence de l’écriture ne peut être qu’humilité et souffrance, que celui qui écrit « est là où il ne semble pas être : qu’il est là et qu’il change de place sans bruit, qu’il n’est rien qu’œil et oreille et qu’il prend les couleurs des choses sur lesquelles il repose. Qu’il est le compagnon dissimulé, le frère silencieux de toutes choses (…) et que, souffrant d’elles, il en jouit. Que cette jouissance dans la souffrance est tout le contenu de sa vie. » Une vocation que le plaisir que prend Goux à pétrir la pâte de la langue, à la plier à ses exigences mélodiques et syntaxiques, aident à ressentir avec plus d’acuité encore.

Richard Blin

Le séjour à Chenecé
de Jean-Paul Goux
Actes Sud, 112 pages, 14  ;

Habiter le temps Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°132 , avril 2012.
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