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Poésie Longue-vue

mai 2013 | Le Matricule des Anges n°143 | par Christine Plantec

Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Ito Naga nous invite à parcourir la geste inaugurale d’un homme partant à l’assaut d’une « vérité », chemin faisant.

Le titre du troisième opus du poète et astrophysicien Ito Naga, l’auteur de Je sais (Cheyne, 2006), pose d’emblée une distance. NGC 224 ne renvoie, a priori, à rien de connu. Sous le titre de la couverture, une forme irrégulière, impression en relief, semble fonctionner en écho mais dans la mesure où aucune échelle n’est donnée, comment savoir si le motif qu’il donne à voir est du côté de l’immense ou de l’infime, de la matière ou de l’immatériel, de l’entièreté d’une chose ou de l’une de ses brisures…
« Eprouver le contexte crée une proximité. Hors du contexte, l’étrangeté apparaît  » est-il précisé d’emblée. Si comme nous l’indique l’exergue « Etre ici est une splendeur  » (Rilke), comment, passé le stade de l’émerveillement premier, faire avec ce monde qui résiste, inquiète, attire, exclut sinon en tentant de lui conférer une étendue et un contour, autrement dit, une forme ? Pour permettre à Ito Naga d’avancer « dans cette grande complexité (où) il s’agit en réalité d’un chemin à trouver, d’une façon de s’approcher  », le fragment en sera le moyen et la fin, l’alpha et l’omega.
Alors, sans savoir encore pourquoi, on repense à la boursouflure énigmatique de la couverture, tout autant que reviennent en mémoire les mots de Quignard qui, dans un essai consacré à La Bruyère, compare les fragments à de petites flaques d’eau déposées sur le chemin dont chacune d’entre elles reflète tout le ciel. « Une grande mare ou tout l’océan n’aurait reflété le ciel qu’une fois  ». Voilà qui dit bien ce que les 45 sections de NGC 224 produisent sur le lecteur : le sentiment que s’y montre là et par des moyens dérisoires, une vérité qui n’a pas à pâlir face aux formes logiques et souvent totalisantes du discours philosophico-scentifique.
Si le fragment est une forme permettant au texte d’advenir, il est aussi le contenu du poème, à l’instar de ces objets fractals qui, bien que changeant d’échelle, ne varient pas dans leur structure. Ainsi puisque « ce monde existe à l’écart des autres, logé au-dedans à la façon des poupées russes  », une autre homothétie, comme magiquement apparaît ailleurs. Par exemple, « dans ce métro (où) un couple porte la même paire de chaussures en cuir rouge (…) Au juger une taille 37 et un 44 ». Et Ito Naga d’affirmer que « la nature procède de la même manière : elle reproduit ses bonnes idées à toutes les échelles  »… Aussi l’auteur se permet-il, à sauts et à gambades, des analogies étonnantes. C’est savoureux de passer des étoiles aux « paillettes étincelantes dans le sable », de la clarté d’une équation mathématique à la clarté d’un paysage, de l’intelligence des fleurs à l’intelligence de l’Homme, de leur aptitude similaire à « bien choisir la place qui convient ».
Lorsqu’une réflexion sur la cosmogonie aboutit à une réflexion sur l’intime d’une relation, le texte prend alors une tournure profondément touchante : « certains couples d’étoiles extrêmement proches l’une de l’autre échangent de la matière entre elles. (…) Ce soir, ses mots ont claqué trop fort et c’est leur relation qui s’est étoilée » ou encore « Lui, pèse et soupèse sans cesse ce qui vaut la peine d’être vécu et le reste. On peut toujours veiller à un équilibre entre les deux. Elle, le matin, soulève doucement le volet de la chambre. Pour ne pas effrayer les oiseaux  ». Touchante, en effet, car deux espaces se rencontrent et pour ainsi dire coïncident, puis aussi parce que si la nature aime à se cacher c’est avec la même pudeur que l’auteur tente de dire le monde, en même temps qu’il se dit.
NGC 224 bien qu’étant, apprend-on, une galaxie à 7 milliards d’années-lumière de la nôtre, nous aura pourtant fermement et joyeusement permis de traverser toutes sortes de perceptions, dont ce léger « tsui tsui  » final qu’il nous glisse à l’oreille…

Christine Plantec

NGC 224
d’Ito Naga
Cheyne, « Grands fonds », 72 pages, 16

Longue-vue Par Christine Plantec
Le Matricule des Anges n°143 , mai 2013.
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