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Poésie Signes de vie

avril 2016 | Le Matricule des Anges n°172 | par Anthony Dufraisse

Un essai inattendu, des poèmes sur Jérusalem : Adonis, théoricien ou poète, vénère la vie libre.

Soufisme et surréalisme

Hormis Adonis, quelqu’un d’autre a-t-il jamais tenté de comparer soufisme et surréalisme ? Autant qu’on sache, personne. Difficile entreprise et sans doute unique que la sienne, de rapprocher deux mouvements qui, spontanément, nous paraissent éloignés. Ce n’est donc pas sans perplexité qu’on ouvre cet essai d’Adonis, paru la première fois en arabe en 1992. Le poète d’origine syrienne parvient-il à nous convaincre du bien-fondé d’une démarche qui conduit à voir le surréalisme comme un « soufisme païen » ? Oui si l’on considère que toute approche comparative est de nature, au minimum, à jeter une lumière neuve sur des objets d’étude. Non si l’on pense que certaines singularités n’ont pas d’équivalents. Dans cet ouvrage, Adonis travaille donc à dégager au cœur des expériences soufie et surréaliste ce qu’on pourrait appeler les principes actifs, comme on le dit des molécules agissantes d’un médicament. Ce faisant, il veut circonscrire « un noyau commun », un réseau de correspondances et c’est peut-être la trop démonstrative intention de ce projet qui est constamment problématique. Peut-on vraiment embrasser dans une même matrice la quête mystique des soufis, leur recherche d’absolu, et l’aspiration au mystère des surréalistes, leur goût de l’inconnu ? Le langage extatique des premiers et l’écriture automatique des seconds se ressemblent-ils au point de se confondre presque ? Difficile donc de suivre Adonis… Peut-être le poète court-il trop après la similitude et la jonction, minorant des contradictions irréductibles propres aux deux mouvements et d’ordre culturel, historique aussi bien qu’esthétique. Sans parler du postulat qui voudrait que le surréalisme, pour ne parler que de lui, soit une sorte de corpus idéologique figé ; c’est oublier là les nombreuses tensions internes au mouvement… Ne serait-ce qu’en émettant ces quelques réserves, il faut pourtant saluer ce travail non pas tant pour ce qu’il a d’original que pour ce qu’il a d’engagé. Car si discutables que soient la démarche et la méthode, toutes théoriques, d’Adonis, elles ont néanmoins le mérite de nous rappeler ce qui compte aux yeux du poète. En reprenant les fondamentaux du soufisme et du surréalisme il défend l’idée que les deux sont des sources de dépassement de soi et de la société, des modes de vie libératoires dont on peut encore tirer des enseignements existentiels, créatifs et poétiques. À qui le lit même avec désaccord, Adonis communique donc une sorte d’enthousiasme salubre qui promeut la vitalité de deux expériences pour faire face à la toute-puissante raison technologique de notre époque.
Avec Jérusalem, l’essayiste, le théoricien s’efface au profit du poète, du priant même. Car ce nouveau recueil, qui vient prolonger Zocalo et Prends-moi, chaos, dans tes bras, est prière. On y retrouve celui qui, dans une écriture aussi méditative que réactive, a le souci du monde commun. D’une communauté humaine fracturée. N’allez pas croire qu’Adonis se contente de tisser ses poèmes du fil de l’actualité, mais celle-ci, éternelle répétition du Même, irrigue, infiltre, innerve une parole qui devient écho d’un monde en souffrance, d’une « terre qui ne peut, pour célébrer les cieux, qu’être cimetière », d’une terre « où l’Histoire est venue sur invitation de la cendre ». À travers le temps et la géographie, la Jérusalem qu’il convoque est captive. Otage des querelles et des clans, proie des appartenances et des exclusions : « divine cage ». La cité est comme recluse sur elle-même, semble nous dire Adonis, quand elle devrait être carrefour, croisement. Les lieux de Jérusalem sont des liens, prisonniers d’une imagerie violente. Incantatoire ici, invocatoire là, interrogative souvent, comme si l’espoir était en suspens, la poésie d’Adonis inquiète autant qu’elle interpelle.
Anthony Dufraisse

Adonis Soufisme et surréalisme, traduit de l’arabe par Bénédicte Letellier, La Différence, 282 p., 24 et Jérusalem, traduit par Aymen Hacen, Mercure de France, 91 p., 17

Signes de vie Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°172 , avril 2016.
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