Nues sous la langue la voix et l’aura d’évidence des poèmes de Sabine Huynh, née en 1972, qui a grandi à Lyon avant de partir vivre en Angleterre, aux États-Unis, au Canada et aujourd’hui à Tel Aviv. Dessinant une sorte de marelle, ils sont, ces poèmes, du don qui danse, de la peau qui parle, qui célèbre la rencontre amoureuse, la troublante innocence des corps s’ouvrant au vertige de l’invite.
« Viens nous connaissons/ l’eau la pluie nous attend/ elle coulera de nos fronts à/ nos yeux à nos lèvres à nos/ cous pour disparaître là où/ nos mains iront chercher le/ chaud et le brûlant des/ corps où nos langues iront/ laper la source d’un monde/ recommencé viens c’est/ fortune de mer c’est éternel/ ça vole papillons partout/ dessus dessous dedans ça/ entre et sort et n’arrive et/ n’appartient qu’à nous viens ».
Dans la foulée de ce mouvement sacral d’investiture, de ce baptême d’émois tactiles, le désir va contaminer l’espace, commuer la langue en creux appelant tous les sens, en mains à dix doigts dégrafant, recueillant la douceur, rassemblant le monde à même la peau. Et langue sur langue les mots qui viennent à la bouche s’abreuvent au verbe ouvert par l’étreinte d’amour. Des mots amoureusement disposés pour des poèmes qui s’enfoncent dans la chair de la langue, rendent manifeste ce qui accompagne la secrète levée de la jouissance comme l’inouï de ce qui chante entre chair et langage. Avec une innocence ne reniant jamais ses prodiges, et telle une enchanteresse entrouvrant ses voiles, la langue incarnée du parler peau de Sabine Huynh donne à toucher la matière première de la création, fait entendre autrement « cette / fragilité absolue lorsque/ tout s’ouvre et reçoit dans/ l’amplitude amoureuse ». Une écriture naufragée de plénitude, à l’image de « l’extase éclose au bout des langues ».
Richard Blin
Æncrages & Co, 48 pages, 18 €
Poésie Parler peau de Sabine Huynh
janvier 2020 | Le Matricule des Anges n°209
| par
Richard Blin
Un livre
Parler peau de Sabine Huynh
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°209
, janvier 2020.