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Domaine français Éloge des herbes folles

septembre 2020 | Le Matricule des Anges n°216 | par Anthony Dufraisse

Un dialogue à distance, entre la France et le Liban, à travers la mémoire : un très beau premier roman de Dima Abdallah.

Dans un récent L’Orient-Le Jour, le quotidien libanais francophone, Dima Abdallah parle de la genèse de ce livre, le premier qu’elle publie après tant et tant d’autres écrits jamais montrés à qui que ce soit : « J’ai écrit d’une manière très instinctive, ce qui a été très positif parce que je me suis sentie très libre. Le langage botanique est venu petit à petit, il s’est imposé comme un terrain commun entre le père et la fille, une poésie qui leur servait à meubler le silence. » Une écriture sur le ton de la confidence délicate, une relation père-fille intense, une nature au miroir de laquelle les esprits communiquent et communient, tels sont en effet les éléments structurants de ce saisissant premier roman, largement autobiographique de toute évidence. Née au Liban en 1977, Dima Abdallah vit en France depuis 1989 et elle raconte justement cette bascule entre les deux pays.
Dans le Beyrouth des années 80 en peine guerre civile, en proie aux factions religieuses, nul n’est protégé de la violence, et pas plus la très sensible jeune narratrice que son poète de père, qui n’est pourtant d’aucun parti ni camp. Face à « ces choses-là » – ces « histoires de guerre », « ce vaste bordel » –, l’enfance perd vite son innocence. C’est donc d’abord sous le signe du déchirement puis de l’arrachement, quand se profile, à 12 ans, le départ pour la France (« l’air du pays est devenu si fétide  »), que le récit petit à petit se construit. L’auteure a fait le choix du partage des voix, une alternance narrative qu’elle conservera tout du long, père et fille se passant le relais au fil du temps qui passe, entre 1983 et 2019. « Je me dis qu’elle avait raison de s’intéresser autant aux mauvaises herbes qu’aux bonnes. J’espère qu’elle grandira comme poussent ces adventices. Ces hôtes des lieux incongrus, ces hôtes que personne n’a invités, que personne n’a voulus, qui dérangent mais s’en moquent bien et n’en finissent pas de pousser », dit le père qui jamais ne se résoudra à quitter le Liban ravagé.
Année après année, d’une décennie la suivante, les narrateurs écorchés s’emploient, l’une en grandissant, l’autre en vieillissant, à écorcer le monde ; tant bien que mal ils muent, laissant derrière eux des peaux à vif : les souvenirs. Car c’est évidemment un roman de l’impossible réconciliation, peut-être, avec la mémoire. Et c’est dans le détail de cette lutte intestine que Dima Abdallah nous touche le plus, lorsque ses personnages si familiers, des projections à peine transposées, cherchent à savoir ce qu’ils peuvent ou doivent garder de leur existence passée et présente : « J’ai passé ma vie en pourparlers avec ma mémoire. Et vu que je passais mon temps à négocier avec la mienne, j’ai eu envie d’aller débattre avec celle des autres. Alors j’ai été fouiller dans la mémoire collective. (P)our ramasser un par un les grains de riz parfaitement propres jetés par mégarde de la mémoire d’aujourd’hui », confie la narratrice devenue femme, en écho sans doute à la vocation professionnelle de Dima Abdallah qui est archéologue de métier. Nul hasard, donc, si l’auteure sonde les âmes tourmentées comme on sonde la terre.
Recherche d’un toujours très hypothétique apaisement intérieur, ce livre est aussi, continûment, dialogue avec la nature environnante, quelque forme qu’elle prenne, arbres, fleurs, plantes… ou herbes folles. Par atavisme – on pourrait même dire par activisme –, la fille porte comme le père un soin attentif aux manifestations fragiles du vivant. Cette filiation-là aussi innerve le récit. « Les livres et les plantes, c’est ce que je ne risque jamais de jeter par mégarde de ma mémoire. » Mots et végétaux, vivaces présences du monde ; ou comment, grâce à eux, faire face au chaos et à la gravité du réel.

Anthony Dufraisse

Mauvaises herbes
Dima Abdallah
Sabine Wespieser, 236 pages, 20

Éloge des herbes folles Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°216 , septembre 2020.
LMDA papier n°216
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