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Essais Joindre le geste à la parole

mai 2021 | Le Matricule des Anges n°223 | par Richard Blin

En mettant en lumière le caractère propre du chinois, et l’art de l’enseigner, Jean François Billeter livre la quintessence de son expérience de sinologue.

L' Art d’enseigner le chinois

Les Gestes du chinois

L’acte que nous accomplissons quand nous disons quelque chose est devenu si naturel que nous n’avons plus conscience qu’il est extraordinairement complexe. Parler, dire quelque chose à quelqu’un est une activité dont nous faisons la conquête par un « travail d’intégration », d’abord dans l’enfance lorsque nous apprenons à parler puis quand nous apprenons à nous exprimer dans une nouvelle langue. Quand celle-ci est une langue où rien ne se dit comme en français, une langue sans article, sans sujet grammatical, sans singulier ni pluriel, une langue faite de monosyllabes invariables – dont rien n’indique, dans leur forme, s’ils sont noms, verbes, adverbes ou autres – et de phrases qui naissent de l’ordre des mots, on imagine aisément qu’il ne saurait être question de se l’approprier comme une langue européenne. D’où la méthode qu’ont développée Jean François Billeter et Cui Wen, son épouse pékinoise, pour apprendre à leurs étudiants genevois, le chinois parlé et le chinois classique. De cette expérience résultent aujourd’hui deux ouvrages : L’Art d’enseigner le chinois et Les Gestes du chinois.
Le premier, L’Art d’enseigner le chinois, qui s’attache à montrer comment apprendre à s’exprimer en chinois comme le font les chinois, est né de la volonté de dégager les véritables ressorts de cette langue et de trouver le moyen de l’enseigner sans prendre appui sur une autre. Tout repose sur l’idée d’intégration, et consiste à commencer par les actes d’intégration les plus élémentaires, ceux qui, une fois acquis et devenus naturels, entreront dans des actes d’intégration de plus en plus complexes. Car dire une phrase, c’est d’abord se souvenir des mots dont on va avoir besoin, les assembler dans le bon ordre puis prendre son élan pour les mettre en mouvement « afin que de leur suite résulte un geste signifiant ». C’est donner de la voix, « veiller à ce que les sons soient chinois, à ce que les tons soient justes et s’enchaînent naturellement, et ce tout en regardant celui à qui on s’adresse ». Ce qui exige une grande concentration et passe par la maîtrise des tons qui servent à distinguer les mots. Apprendre un mot, c’est toujours retenir une syllabe, un ton et un caractère d’écriture qui représente le mot et peut être prononcé de vingt manières différentes. Un peu plus haut, un peu plus bas et le mot change de sens. « Il faut chanter. Qui n’a pas commencé par chanter les tons ne parlera pas le chinois de façon naturelle. »
La phrase écrite n’est pas la phrase dite. Elle n’est qu’une trace, l’équivalent de la partition en musique, « qui n’est pas la musique elle-même, mais une suite d’indications d’après lesquelles l’interprète crée la musique ». Une suite de traces que nous suivons pour deviner la phrase et nous la dire intérieurement, comme ce que vous faites en ce moment, lectrice ou lecteur : lisant cette phrase, vous vous la dites. C’est qu’on ne comprend « le geste qui donne son sens à une phrase qu’en exécutant soi-même ce geste ».
Ces gestes qui engendrent la phrase, Jean François Billeter les met en lumière dans Les Gestes du chinois. Il y montre que toutes les phrases que l’on forme en chinois naissent de cinq gestes et de leurs combinaisons. Ces relations qui sont de la nature d’un geste imaginaire reliant un mot à un autre, l’auteur nous apprend à les exécuter, sur des exemples, car ce n’est qu’en les exécutant soi-même qu’on les comprend, nous conviant ainsi à un début d’apprentissage.
En plus de ces deux livres, Jean François Billeter nous propose dans Le Propre du sujet, une réflexion pour sauver non seulement notre liberté de juger mais la capacité de le faire. Autrement dit, sauver l’exercice de la pensée. Non pas la pensée des « penseurs » mais « la faculté que nous avons de nous arrêter et de nous laisser surprendre par quelque chose qui se forme en nous : une intuition, une idée, un enchaînement d’idées ». Dans un monde où nous commençons par ne pas penser par nous-mêmes en adoptant le langage du milieu où le hasard nous a fait naître, et dans une société où les vies se réduisent à l’instant, privant la pensée du temps qu’il lui faut pour se former, il est plus qu’urgent d’agir en luttant non pas contre tout ce que nous ne voulons pas, mais pour ce que nous voulons. Un acte relevant « non de la volonté mais de l’intellection ». D’où l’urgence de retrouver un sens de la vision et de travailler à ce que chaque sujet « se forme par lui-même et pour les autres ».

Richard Blin

Jean François Billeter
L’Art d’enseigner le chinois
Les Gestes du chinois
Le Propre du sujet
64 p. 8 , 96 p. 9 & 64 p. 7 , chez Allia

Joindre le geste à la parole Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°223 , mai 2021.
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