Des livres

Feuilles d’herbe

de Collectif , Walt Whitman

Editions Belles Lettres

Autoportrait au roitelet

de Emily Dickinson

Editions Belles Lettres

Tel un herbier poétique, les volumes constituant la « Poésie magique » aux éditions Les Belles-Lettres donnent des envies de collection. À la beauté d’une superbe réalisation éditoriale, ils associent l’humeur vagabonde de l’herboriste, rassemblant sans nécessairement vouloir faire corpus diverses fleurs de poésie, plantes rares et feuilles choisies – jusqu’à présent toutes d’auteurs de langue anglaise. « Poésie magique » promet donc dix titres, dont sept sont encore à paraître entre l’été et l’automne prochain et trois sont déjà disponibles : les fameuses Feuilles d’herbe de Walt Whitman, une sélection de poèmes d’Emily Dickinson intitulée Autoportrait au roitelet par Patrick Reumaux maître d’œuvre du projet, enfin un ensemble regroupant poèmes et lettres appartenant aux Juvenilia de la fratrie Brontë. Dix titres donc, ou plutôt dix « recueils de vers » : la collection entend bien privilégier la dégustation à l’esprit de méthode, la libre déambulation aux tentations du classement, la fluidité de la lecture en traduction au comparatisme bilingue et, en somme, la magie de la (re)découverte à la glose savante. Aussi les textes publiés ici le sont-ils tous au nom d’un certain caractère buissonnier, secret, tissant la métaphore qui lie le recueil à l’herbier, la fleur à la feuille, le poème à la trouvaille. Tout un ensemble de textes à découvrir, souvent inédits, comme un « monde du dessous », terme par lequel Charlotte Brontë nomme l’extraordinaire jeu de rôle littéraire auquel se sont adonnés ses trois frères et sœurs, remplissant de minuscules cahiers des épopées et poèmes des royaumes imaginaires de Gondal et Angria. La cohérence éditoriale évidente de cette collection mène ainsi de l’herbier d’Emily Dickinson aux brins d’herbe de Whitman et confère à la lecture le plaisir de la cueillette, un plaisir jamais vain si l’on en croit le poète américain : « je crois qu’une feuille d’herbe n’est en rien inférieur au labeur des étoiles ».

Etienne Leterrier-Grimal