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Domaine français L’instant et l’infini

mai 2024 | Le Matricule des Anges n°253 | par Richard Blin

Dans Deux histoires romaines, Didier Laroque orchestre des moments d’intense présence où un « signe » soudain se présente, et dont l’effet peut mener vers le sublime ou la grandeur.

Si, en cette ère de postlittérature, vous cherchez un souffle authentiquement littéraire, lisez donc Didier Laroque, ne serait-ce que pour éprouver le plaisir d’une langue de forte saveur, exactement mesurée, ayant grand souci du mot juste, et jouant de toutes les formes de la rhétorique. Après La Mort de Laclos (2013), Le Dieu Kairos (2018), Lettres de Ponce Pilate (2022, tous aux éditions Champ Vallon), voici Deux histoires romaines, deux nouvelles reliées entre elles par bien des fils et autant d’échos aux romans précédents. Deux nouvelles s’apparentant plutôt à deux courts, mais très intenses, romans, deux histoires d’âmes, d’hommes et de femmes requis par des énigmes et un secret tropisme les engageant sur les voies de l’aventure spirituelle.
Au début de la première histoire, Paule, une historienne de l’art qui vient d’être nommée directrice de la Villa Médicis, voit, dans un moment d’accablement, et dans une sorte d’hallucination, surgir le fantôme d’Irène Putnik, qui fut naguère son professeur de philosophie, une femme remarquable qu’elle avait retrouvée, des années auparavant, alors qu’elle était pensionnaire de cette même Villa Médicis. Une apparition qui, loin de l’effrayer, lui fait du bien. « J’étais flageolante, pantelante même ; et je me sentis extirpée du désespoir, rassérénée. » Y voyant un signe, Paule se retourne alors vers son passé, les moments passés en compagnie de Madame Putnik, tandis que lui reviennent quelques-unes des maximes ou des formules qui caractérisaient son parler sibyllin. « Doit être considéré d’ordre supérieur ce qui se manifeste aux sens ainsi qu’à la conscience et ne peut néanmoins devenir l’objet d’un savoir. » Ou : « Le vide, haut degré de la présence. »
Et peu à peu, elle qui tenait pour vrai « qu’il n’y avait pas d’autres vies que celle de la réalité concrète », qui avait cherché une carrière « qui fût lucrative autant que prestigieuse », et qui y était parvenue, découvre qu’elle a encore beaucoup à connaître et ce d’autant plus qu’une profonde insatisfaction la ronge. « Le temps de penser est arrivé » confie-t-elle à un collègue. C’est que les phrases mystérieuses de Madame Putnik, procédant par insinuation et suggestion, font leur chemin et se révèlent être des messages plus profonds que les mots mêmes ne le disent. Un art de parler en raccourci qui va conduire Paule à une sorte de conversion spirituelle synonyme de dépouillement de soi-même et d’abandon d’une existence gouvernée par l’ambition sociale. Au mépris des vanités, s’ajoute la prise de conscience de l’existence d’un au-delà du mesurable, d’un inconnu qui borde de toutes parts nos représentations les mieux avérées : un élément mystique qui échappe au dicible mais dont on pourrait recevoir des preuves par des signes, et dont participent certaines œuvres d’art en donnant à « voir avec l’esprit l’invisible dans le visible » comme le pense Lantérim, le neveu d’Irène, une sorte de Pascal affrontant la cruauté et l’ineptie du monde, et menant la vie de l’esprit. C’est la maturation de ce qui est un saut, un véritable bond de la raison vers un total assentiment à ce qui est placé au-dessus et hors de vue, que met en mots Didier Laroque.
La seconde histoire nous mène encore à Rome où Pierre-Henri, un spécialiste d’histoire des religions, vient de s’installer dans l’appartement qui fut celui d’un éminent historien du christianisme primitif. Il trouve, dans le cabinet de travail de ce dernier, un dossier de notes faisant état d’une trouvaille « faramineuse », un « fragile petit morceau de papyrus du premier siècle et qui aurait été tracé d’hésitants caractères araméens par la main du Fils de Dieu ». Qu’est devenu ce document ? Pour le savoir, il décide sur-le-champ d’abandonner ses propres travaux pour se consacrer à sa recherche. « J’ai besoin de voir le papyrus ; j’attends de sa vision je ne sais quel miracle. » S’ensuit une quête aventureuse et dangereuse où l’on découvre l’immensité du plan divin à travers les plans et les coupes d’un manoir dont les dessins forment des lettres, des mots, une phrase – lourde de présages – et dont l’auteur se révèle être l’Auteur suprême. Accepter ce plan divin dissimulé dans un jeu d’écritures – dont nos vies seraient la matière et qu’il reviendrait à chacun de déchiffrer – peut parfois avoir quelque chose de sublime.
Deux récits tout en tension, qui rendent au roman son pouvoir d’interrogation spirituelle, et qui affrontent le divin hors des gouvernes du théologico-politique.

Richard Blin

Deux histoires romaines,
de Didier Laroque
La Coopérative, 160 pages, 18

L’instant et l’infini Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°253 , mai 2024.
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