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Domaine français Autoportrait dans l’arène

mai 2024 | Le Matricule des Anges n°253 | par Thierry Guichard

Le nouveau livre d’Yves Charnet est le fruit de vingt ans d’écriture. Et de fascination pour ces pantins de corrida qui affrontent les cornes pour écrire leur propre légende.

Lettres à Juan Bautista (vingt ans après)

En 2008, paraissait le très beau Lettres à Juan Bautista (La Table ronde) où Yves Charnet en suivant les traces du jeune torero arlésien continuait sa quête autobiographique débutée dès son premier livre, Proses du fils. Il n’était pas nécessaire de se compter parmi les aficionados pour lire ce livre qui mêlait l’intime de son auteur, son addiction pour les corridas et le portrait sensible du jeune « Arlequin d’Arles ». La langue, radicalement lyrique en même temps qu’empêchée (retenue sans cesse par des points qui arriment la phrase au sol), tournait autour d’un double manque : celui de l’auteur, fils sans père, et celle du jeune Jean-Baptiste Jalabert, fils de Luc, artiste sans mots des arènes de France et d’Espagne.
Septembre 2019, le comédien Arnaud Agnel joue au théâtre d’Arles son adaptation du livre de Charnet. L’auteur y assiste, Juan Bautista, redevenu Jean-Baptiste Jalabert aussi, ainsi que l’éditrice Marion Mazauric qui exprime auprès de l’auteur son désir de republier le livre en version poche. Cette adaptation théâtrale et cette demande de l’éditrice, Charnet en fait les raisons de cette nouvelle version, modifiée et allongée. On peut imaginer d’autres raisons à cette réécriture totale (il ne s’agit pas seulement de prolonger le livre jusqu’à la fin de la carrière du torero, en 2018) : ce double portrait en fragments fouille le mystère d’être artiste. La tauromachie comme « art analphabète. Un art sans œuvres » donne à l’écrivain l’impression d’assister à « de la poésie en plein air » et fait écho à sa propre pratique de l’écriture autobiographique (plus qu’autofictionnelle) qui tente, chez lui, de recouvrir le vide, le gouffre originel. Faire le portrait de Bautista permet à l’écrivain de faire le sien propre. Derrière l’homme de lumières, l’écrivain voit des ombres qui renvoient à ses propres ténèbres. Il saisit cette part obscure qui va conduire Bautista à abandonner une première fois l’épée, les ruedos et la route de Madrid, à 22 ans seulement : « Votre façon de vous effondrer m’aura paradoxalement rapproché de vous. Votre façon de tomber plus bas que terre. Il finit toujours par venir ce jour où on n’est plus qu’un pantin lézardé par sa propre imposture. » Le vouvoiement tenu tout au long du livre, malgré les liens qui rapprochent les deux hommes, est un miroir sans tain. Il s’adresse tout autant au toréador qu’à l’enfant meurtri de Nevers. L’imposture, Yves Charnet la fait sienne plus d’une fois : se grimant en groupie enamourée que le toréador doit repousser, s’avilissant dans l’attente alcoolisée de son idole, parmi les gourmettes en or, et les coupes de champagne d’un mundillo de comédie. Chacun torée devant ses propres monstres et si le toréador risque la mort, c’est sa vie que risque le poète.
L’écrivain n’avance pas seul entre ombres et lumières : il est accompagné de livres lus et abondamment cités (écrivains de la corrida, romanciers et poètes), de chansons populaires (Sardou, Lama), de musiciens d’arènes (Nougaro, Vicente Amigo). Baudelaire lui permet d’affirmer que « la tauromachie peut être considérée comme une littérature. Une littérature sans phrases ; une énergie picturale. » Et si les paroles des chansons venues de l’enfance se glissent dans la prose poétique d’Yves Charnet, c’est peut-être parce que l’auteur s’invente aussi une famille : celle de ceux que l’émotion déborde et qui cherchent dans la langue le corset, l’habit de lumière, qui les fera tenir droit devant la mort. Une scène clé du livre est la description d’une photo où l’on voit l’habillage du torero dans une chambre d’hôtel. Jean-Baptiste Jalabert devient Juan Bautista devant Luc, son père, qui ne le regarde pas, plongé comme son fils, dans le combat à venir. L’homme sous l’habit de lumière est toujours nu et c’est cette nudité-là que traque, d’une certaine façon, la poésie en prose de l’écrivain. La nudité de la vie.

T. G.

Lettres à Juan Bautista (vingt ans après),
d’Yves Charnet
Au Diable Vauvert, 392 pages, 22

Autoportrait dans l’arène Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°253 , mai 2024.
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