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Domaine français Vertiges du passé

mai 2024 | Le Matricule des Anges n°253 | par Anthony Dufraisse

En remontant une nouvelle fois le cours de sa généalogie, Florian Préclaire excelle à laisser entrevoir la vie latente des sentiments.

Allée des Immortelles

Florian Préclaire revient déjà avec un deuxième roman et la magie opère à nouveau. C’est comme si nous ne l’avions pas quitté, depuis l’année dernière et son Cavalier de Saumur qui nous le faisait découvrir à travers un portrait romancé de René-Frantz Préclaire (1896-1975), son grand-père maternel militaire de carrière. Même atmosphère feutrée, même style classique un peu Grand Siècle, même projet généalogique, toutes choses qui nous avaient beaucoup plu dans son premier roman. Si cette évidente continuité entre les deux livres, qui forment diptyque mais peuvent se lire séparément, fait la force de l’Allée des Immortelles, elle en est peut-être aussi, et paradoxalement, la (petite) faiblesse : car il nous manque la surprise. Si on remâche un peu notre envie de quelque chose de vraiment différent, on renoue cependant très vite avec un véritable plaisir de lecture tant la belle langue de cet enseignant-chercheur de profession entête. « Florian Préclaire signe le roman d’une mémoire familiale sinon retrouvée du moins réinventée », écrivions-nous l’an passé à la parution du Cavalier de Saumur, qui dessinait donc les contours de la vie de l’aïeul René-Frantz et, dans une moindre mesure, de la vicomtesse Marie-Thérèse Cauvet de Blanchonval, son épouse décédée en 1964 et enterrée à Cannes dans l’allée d’un cimetière dite des Immortelles. Dans ce nouveau roman, cette dernière joue l’un des tout premiers rôles.
Toujours habité par la filiation et l’héritage, Préclaire se penche cette fois sur son berceau à elle, en remontant jusqu’à la fin du XIXe siècle la lignée dont elle descend. Cette lignée dont elle héritera, côté maternel, le goût des arts jusqu’à pratiquer, avec un talent manifeste semble-t-il, la peinture. Il semblerait ainsi que Florian Préclaire se soit donné pour mission de toujours mieux sourcer les origines de sa parentèle, sans que l’on sache les parts respectives de la documentation et de l’imagination. À dire vrai peu importe, seules comptent la beauté de la fresque, la profondeur de ce tableau familial où la pierre et la chair sont dépeintes avec une identique pudeur. La pierre, c’est-à-dire le patrimoine aristocratique qui s’étiole au fil des générations et des mésalliances. La chair, c’est-à-dire les relations contrariées entre les êtres, les élans du cœur qu’il faut, milieu social oblige, contenir ou travestir. Là où Florent Préclaire excelle décidément, c’est à laisser entrevoir la vie latente des sentiments. Émotions, sensations, états d’âme sont comme filtrés, tamisés ; pas d’étalage ici, l’encre de Préclaire ne fait pas tache d’huile, elle est distillée. Il confirme son goût pour la peinture de caractères en clair-obscur ; un jeu d’ombre et de lumière qui nous vaut une galerie de portraits nombreux.
Si l’auteur se montre généalogiste, c’est moins à la manière maximaliste d’un Zola, qu’à la façon d’un archéologue en possession de quelques traces et objets fragiles, vestiges du passé enfoui. Préclaire exploite ce gisement-là, ce qu’il y a sous les apparences, sous l’épais tapis des conventions sociales, sous le vernis des toiles, qu’il gratte avec précaution : « un vernis qui ne dissimule qu’imparfaitement des mouvements souterrains », des vertiges. Il y a aussi de belles pages sur l’expression artistique, la sculpture aussi bien que la peinture – c’est à souligner car cela témoigne, de mère en fille, du désir féminin d’émancipation à travers l’art.
Bref, ce côté saga au galop emporte à nouveau le lecteur, sans le dépayser tout à fait, puisque Préclaire, on l’a dit en commençant, creuse ici son sillon plus qu’il ne surprend. Dernier (léger) bémol : le recours au tutoiement, procédé déjà utilisé dans Le Cavalier. S’il nous rend ainsi les personnages très proches émotionnellement, attention toutefois que cela ne devienne pas un tic d’écriture ; l’élégance de la langue ne le fera peut-être pas toujours oublier.

Anthony Dufraisse

Allée des Immortelles,
de Florian Préclaire
Actes Sud, 161 pages, 19

Vertiges du passé Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°253 , mai 2024.
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