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Poésie La chronique du campagnard

octobre 1994 | Le Matricule des Anges n°9 | par Dominique Sampiero

Trois livres. Trois textes hors-textes. Pour faire bouger les genres : trois charnières. Un livre d’entretien comme un long poème. Un livre poétique, en forme d’entretien avec soi-même. Et un troisième, au titre de vertige.

Dans la collection Rencontre, chez Dumerchez éditeur, Veira Da Silva par Bernard Noël. « Où trouver la justesse aujourd’hui sinon dans la relation amicale ? Et si quelque chose comme la vérité peut encore exister, n’est-ce pas à travers cette justesse-là et les choix qu’elle impose ? Le mot « rencontre » exprime ce qui fonde la réalité du face à face et du dialogue : il est l’enseigne de cette collection pour témoigner à la fois d’une orientation et d’une pratique…. » C’est à partir de ce postulat que Bernard Noël a vécu et écrit cette double rencontre avec Veira Da Silva, parue en 1977 dans le numéro 252 de La Quinzaine littéraire, puis à travers un essai, avec son époux, Arpad Szenes, « le grand peintre qui a toujours voulu paraître plus petit que sa compagne ». Poèmes et dessins viennent rythmer ce livre, l’écarquiller. Paroles de la main, dans la proximité d’une même folie, sur le même Vélin : peindre des images, la lumière, la couleur, et l’impossible de la souffrance. Peindre pour « donner à une toile ce qu’elle demande », comme un ébéniste, avec la certitude des petites choses, « les états de l’air ». Peindre avec « pudeur, réserve, patience, dans l’élan », pour ouvrir « l’espace devant soi », traversant « cette clôture derrière laquelle s’observent d’ordinaire les choses ». Peindre en perdant conscience, en entrant dans le tableau, par une sorte de promenade, « un monde plus vaste que la surface. Tout est là. Tout est dans le là. Mais comment voir le tout ? » Deux visages, ici réunis, sur les revers d’un même signe. Deux trajectoires dans la matière de la vie, de la mort. Et une troisième : le poète, comme un trait, un miroir, libérant un passage à son tour, « les parois de vent ». Peut-on imaginer atteindre sans relier ? « mais voici l’autre en vous en lui / la rencontre affrontée / le doublement du monde / un philtre d’air / l’in-fini ».
Car Né de Jean-Pierre Georges aux éditions de La Bartavelle : à faire grincer des dents ! « La pâte de l’insatisfaction ne doit jamais cesser d’être remuée ! » Dans l’impossibilité de s’atteindre ou d’atteindre quoi que ce soit, Jean-Pierre Georges avance dans la défaite avec une désinvolture légère, un agacement contagieux, à peine poétique. Ou alors poétique comme la rouille, l’acide qui mord et attaque le temps. Juste vengeance de l’homme qui sait qu’il va mourir, et qui raille, râle, s’ennuie à en mourir justement, et meurt ainsi une seconde fois, à l’avance, par procuration, ne camouflant rien de son insuffisance, de sa nullité. « Certains jours de grâce où j’ai l’impression de faire partie de la nichée. Où je ne me hais pas dans les autres ». C’est avec son petit dictionnaire de la haine et de l’incongru, « Erection : petite proéminence mafflue poussant du museau quand on écrit mais qui ne jappe que si on y touche », de l’inutile et du quotidien dans son plus dérisoire, « Lundi 22 août. Je touche le fond de la non-vie. Je ne m’y trouve pas mal ! » que l’auteur fait un livre, à coup de phrases sèches, de sentences, de petites choses recopiées sur des bouts de papier, quand la fatigue tient lieu d’inspiration : « Plus difficile à renoncer à être : renoncer à être quelqu’un ». Tout y passe, les femmes, le sexe, l’écriture, le couple, à cette extrême limite où même l’épouse est interpellée, mise en scène dans quelques phrases d’une vérité terrible « Lui - On va se suicider ensemble, tu veux ? Elle - Ah, non s’îl te plaît, plus rien ensemble ». Là où d’ordinaire le poète résiste, Georges craque et cède. Mais de la vérité l’auteur non plus n’en a que faire. Sinon comme un ultime échec.
L’Obscur Vertige des vivants de Michel Baglin, paru au Dé bleu, doit à Guillevic ce laconisme du « resserrement qui fait le sang plus rouge », mais aussi une façon de se tenir vertical dans l’univers « pour nous absenter / explorer le domaine / revenir les mains pleines de blessures et de fruits ». Utilisant les lois de la physique comme des métaphores Baglin maîtrise son lyrisme en le ponctuant d’une ambivalence : épouser la pesanteur de l’infini. Là / comme un foudroiement / prenant son temps. Que ce soit dans les poèmes très courts, très versifiés dans leur rythme, ou dans les proses de Terre pleine, la deuxième partie, il y a un relief particulier, de cendre et de fête, de durée impossible, de tremblement. Ecrire est un abandon mais une extase aussi, une gravité, le surplomb d’un abîme, de mots d’amour, de mots de passe remplis d’appels, l’épuisement de la ressemblance, un être-là dans le chiffre obscur du monde, une perte d’équilibre pour apprendre le centre, la sphère, s’avancer vers cette lumière qui nous vient du ciel, des étoiles et de plus loin encore peut-être : le dedans.

Veira Da Silva
par Bernard Noël

Dumerchez
44 pages, prix n.c.

Car Né
Jean-Pierre Georges

La Bartavelle
82 pages, 80 FF

L’Obscur Vertige des vivants
Michel Baglin

Le Dé bleu
85 pages, 75 FF

La chronique du campagnard Par Dominique Sampiero
Le Matricule des Anges n°9 , octobre 1994.
LMDA papier n°9
6,50