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Domaine français La réalité structurée comme une fiction

novembre 1995 | Le Matricule des Anges n°14 | par Alex Besnainou

Dans ses fictions, Alain Nadaud n’a cessé de tendre sa plume vers l’origine. Avec Le Livre des malédictions, il se met en quête de l’écriture divine et, en chemin, dévoile la face cachée de Dieu.

Le Livre des malédictions

Alain Nadaud a toujours pris la littérature comme objet de fiction. Pour lui, le roman est son propre sujet, l’acte d’écrire sa propre justification et si « avant toute chose était l’écrit », depuis ne reste que la question du pourquoi. Quel est le rapport ambigu et tenace du livre et de l’homme, quelle est la cause de la pérennité de cette étrange fusion ? Car pour lui, il est évident que pérennité il y a, que l’homme sans la lettre n’est pas concevable, que pour exister, il faut être nommé.
Depuis Archéologie du zéro, son premier roman, Alain Nadaud n’a cessé de mettre en scène dans son exploration littéraire le surgissement des signes du passé, la mémoire de la lettre et le sens de l’écrit. Plus qu’une simple interrogation philosophique, c’est une véritable obsession qui le conduit de livre en livre à pulvériser les limites de la pensée en faisant appel à un imaginaire fantastique pour suppléer au manque des traces de l’Histoire. Ce ne sont plus des symptômes, ce sont des stigmates que le passé laisse et qu’il s’évertue à cautériser.
Dans l’entretien qu’il nous avait accordé en Octobre 93 (MdA n°4) il déclarait que « lorsqu’on voulait remonter à l’origine de l’écriture quelque chose bloquait«  ». Il semblerait avec la parution du Livre des malédictions que le barrage ait sauté, qu’il ait décidé de franchir le pas, de retrouver l’acte de naissance de l’écriture. Pour cela, il a relu la Bible, le Livre d’entre les livres, comme un roman (comme Jabès le suggère dans ses entretiens avec Marcel Cohen) et il y trouve le verset suivant : « Yahvé dit à Moïse : Monte vers moi sur la montagne et demeure là que je te donne les tables de pierres-la loi et le commandement- que j’ai écrites pour leur instruction. » » Dieu a donc écrit et qui d’autre que Dieu est à l’origine de toute chose ? Mais la Bible dit aussi que Moïse, enflammé de colère par la vue du Veau d’or impie qu’adorait le peuple juif, jeta les Tables à terre et les brisa. Ensuite, réconcilié avec son peuple, Moïse remonta sur la montagne sacrée pour y graver lui-même les nouvelles Tables de la loi. Que sont devenues les premières Tables écrites du doigt de Dieu ? David Tracher, le héros de l’histoire et épigraphiste à l’Institut de paléontologie de Paris, décide de partir à leur recherche. Trouver l’écriture de Dieu et l’alphabet utilisé devient son idée fixe. Les travaux ne sont pas exempts de difficultés, ne serait-ce que pour localiser l’emplacement exact de la montagne sacrée. Et puis, il y a le Mossad, les services secrets israéliens. C’est que si Tracher réussissait, la tradition vacillerait sérieusement. Dieu n’est-il pas Celui qui est sans preuve ?
Construit en montage parallèle, ce roman, à l’instar de tous ses autres d’ailleurs, déstructure la narration linéaire en faisant alterner action et documents. Tracher ne s’exprime qu’à travers son journal intime dont nous sont divulgués des extraits, les documents fournis sont issus d’articles de journaux, de paragraphes du Talmud et de différents dossiers d’archéologie.
Vrais ? Faux ? Alain Nadaud a l’art de brouiller les pistes. « Tout l’art de la fiction consiste à mettre à l’épreuve du vraisemblable des données qui, à la base, et même si elles sont reçues pour vraies par beaucoup, sont purement imaginaires. Il s’agit donc de réduire au maximum l’espace qui sépare ce qui est inventé de ce qui lui est contigu dans la réalité. »
On le voit, on ne sait pas très bien dans quelle réalité on met les pieds. Surtout que Tracher ayant disparu, un détective, jamais nommé lui, part sur ses traces afin de le retrouver. Nous sommes donc en présence de deux quêtes simultanées, l’une de Dieu, l’autre de l’Homme, similitude renforcée encore par leur comparable destin.
Alain Nadaud n’écrit pas ses romans de façon traditionnelle, c’est inutile d’aller chercher chez lui des personnages pétris de psychologie intime et pulsionnelle. C’est un parti pris de ne pas mettre dans ses romans ce que l’on peut trouver ailleurs et fort bien. Son ambition est autre. Ses héros n’évoluent pas dans le physique mais dans la métaphysique. L’aventure matérielle est hors-champ. L’arrière-plan « indianajonesque » est un faux-semblant, un artifice destiné à souligner la folie de l’entreprise romanesque.
L’écriture de l’écriture est un délire. On y retrouve la source même du langage, la quête insensée de l’âme dans la pensée.

* A noter, en outre, la très belle publication de L’Iconolâtre par les éditions Tarabuste (rue du Fort 36 170 Saint-Benoît du Sault) qui offrent à cette nouvelle d’Alain Nadaud un bel écrin de papier Bouffant.

Le Livre des malédictions
Alain Nadaud

Grasset
238 pages, 110 FF

La réalité structurée comme une fiction Par Alex Besnainou
Le Matricule des Anges n°14 , novembre 1995.
LMDA PDF n°14
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