Lire Jean-Pierre Georges, c’est se lier d’amitié. D’une amitié qui n’a besoin que du silence : Jean-Pierre Georges et son lecteur se comprennent, ils partagent le même désir taraudant qui résonne dans la solitude, dans le gouffre que l’on cache en nous : « Je veux vivre/ mais ma peau me sépare du monde ». Dans Je m’ennuie sur terre que l’on a du mal à considérer comme un long poème, Jean-Pierre Georges déroule, avec une modestie parfois trop marquée, une confession écrite, sinon au fil de la plume du moins à celui du temps. On retrouve certaines des obsessions, ou plutôt des amours, du poète, à commencer par ces jeunes filles « en jupette et jambes de soleil », ou « vêtues de (leur) seul bronzage ». On y retrouve aussi l’amour du tennis et du Tour de France. Jean-Pierre Georges a beau ne pas se considérer comme un grand albatros aux ailes trop longues, il s’empêtre avec une belle régularité dans les actions quotidiennes que la vie nous réclame. L’absence de poésie, l’incommensurable fossé qu’il ne parvient pas à franchir pour être de plain-pied dans notre monde moderne lui inspirent quelques pages qui, en plus d’être drôles, recèlent une poésie de l’immédiat, du pas grand-chose : « Facile d’être stoïque quand ça roule/ pas difficile d’être odieux/ à la cafétéria du Mammouth de Chambray-/ lès-Tours et de gâcher la vie de/ 2 personnes ô ma femme mon fils / vous fûtes exemplaires conciliants/ irréprochables car finalement nous/ l’eûmes ce filet de poisson béarnaise ». Poésie du dérisoire dans laquelle finalement, comme dans un miroir de foire, nous sommes bien contents d’y voir l’image de l’auteur. Les miroirs déformant étant drôles pour ceux qui ne s’y reflètent pas. On aurait tort de voir dans cette prose (malgré de nombreuses scories, des phrases inutiles et un peu faibles) une littérature au rabais. Car il y a un enjeu esthétique réel à défendre un champ littéraire sur lequel viennent folâtrer des auteurs comme François de Cornière ou Valérie Rouzeau.
Je m’ennuie sur terre
Jean-Pierre Georges
Le Dé bleu
72 pages, 72 FF
Poésie Carnet d’un modeste
juin 1996 | Le Matricule des Anges n°16
Un livre
Carnet d’un modeste
Le Matricule des Anges n°16
, juin 1996.