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Poches L’engagement dégagé

janvier 2000 | Le Matricule des Anges n°29 | par Thierry Guichard

Trois rééditions en poche montrent comment Albert Cossery parvient à échapper à l’hypocrisie générale.Et à s’exiler du monde, pas des hommes.

Mendiants et orgueilleux

Un complot de saltimbanques

La Maison de la mort certaine

Figure atypique des lettres, Égyptien de Paris où depuis cinquante ans il habite la même chambre d’hôtel, Albert Cossery est aussi un écrivain engagé. Le mot a de quoi surprendre aujourd’hui, d’autant que le vieil homme (né en 1913 au Caire) est devenu comme le symbole d’un sage détachement, d’un dilettantisme aristocratique. Mais l’engagement n’est pas appartenance à une idéologie politique ou à un mouvement. Il n’y a qu’à voir l’ironie avec laquelle l’écrivain traite les personnages qui croient encore à l’action politique. Romantiques ou stupides, ils sont bien souvent prisonniers de leur propre image, à l’exemple d’El Kordi, le fonctionnaire amoureux d’une putain malade dans Mendiants et orgueilleux : pour venir en aide à sa belle, le jeune homme décide de cambrioler une bijouterie mais renonce à cause d’un simple reflet dans la vitrine. L’engagement de Cossery est tout intérieur ; il trouve, dans Mendiants et orgueilleux son expression dans le parcours de Gohar, ancien professeur de philosophie qui s’est fait mendiant pour échapper à l’absurdité du monde parce qu’« enseigner la vie sans la vivre était le crime de l’ignorance le plus détestable. » Dans un dialogue avec El Kordi, Gohar prétend combattre le pouvoir plus efficacement que le jeune fonctionnaire : « - De quelle manière ? - Par la non-coopération, dit Gohar. Je refuse tout simplement de collaborer à cette immense duperie ». On retrouve l’Égypte et le monde immensément pauvre des quartiers indigènes où rôdent les ramasseurs de mégots, où toussent les putains phtisiques, et sur lequel pourtant Yéghen le dealer pose un regard à l’optimisme sans ombrage. Même sous la torture, le vendeur de hachisch trouve le moyen de narguer ses tortionnaires par une vitalité toute spontanée.
Plus joyeux, Un complot de saltimbanques montre de jeunes gens hisser au plus haut les couleurs du libertinage, du plaisir et du jeu. Dans ce pied-de-nez à sa propre biographie, Albert Cossery montre le retour forcé au pays de Teymour, étudiant dévergondé qui a acheté son diplôme d’ingénieur. La farce a de quoi faire grincer les dents de la bonne société égyptienne pour laquelle il est de coutume d’envoyer ses fils apprendre à l’étranger. La mort dans l’âme Teymour retrouve sa ville de Province où il pense devoir faire le deuil de sa vie de débauche. Repris en main par ses anciens camarades, il découvre que la vie est riche de plaisirs, d’émotions et de bonheurs pour qui sait arrêter son regard sur chaque chose. Un complot de saltimbanques est un roman plein d’une merveilleuse fraîcheur, où l’amour des jeunes femmes l’emporte sur la misogynie de Mendiants et orgueilleux (« Gohar était reconnaissant aux femmes, à cause de l’immense somme de bêtise qu’elles apportaient dans les relations humaines »).
Deuxième roman de l’Égyptien, paru en 1945, La Maison de la mort certaine offre plus de prise au pessimisme. Ce roman réaliste dresse les portraits croisés des habitants misérables d’une maison sur le point de s’effondrer. La misère est totale (le charretier a vendu son âne et s’apprête à faire de même de sa charrette, le menuisier fait des cercueils trop petits car il n’a pas de bois). La responsabilité des futures victimes finit par se poser. Face au propriétaire sans vergogne, Abdel Al le charretier accède à la conscience politique et cherche à éveiller la masse. Mais si le roman s’achève sur la promesse des révoltes à venir, on sent déjà que l’auteur n’y croit plus. Roman métaphorique, la maison évoquée pourrait être l’Égypte tout entière ou le monde d’après la bombe. On comprend dès lors que Cossery a choisi de s’exiler loin de « cette immense duperie ».

Albert Cossery
Mendiants et orgueilleux
Un complot de saltimbanques
La Maison de la mort certaine

Éd. Joëlle Losfeld (coll. Arcanes)
213, 193 et 143 p., 50 FF chacun

L’engagement dégagé Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°29 , janvier 2000.