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Premiers romans Jouir sans entraves

septembre 2001 | Le Matricule des Anges n°36 | par Pierre Hild

En homme qui a su vivre, Jean-Pierre Enjalbert excelle à peindre le plaisir comme la première des subversions. Cols blancs à l’esprit tiède s’abstenir.

Et si l’un des premiers romans les plus enthousiasmants de la rentrée était l’oeuvre d’un retraité du monde, né en 1939, menant aujourd’hui une vie à l’écart, une vie d’écarts, loin de la course pailletée des jeunes shampouineurs et neuses qui font tête de gondole ? Et si un texte à l’éloquence voluptueuse, généreuse, tangente, un texte où l’entrejambe avalerait tout entregent, venait souffler un vent chaud, libre, sur un imaginaire aseptisé ? Roman des plaisirs, de la jouissance, de la liberté du coin de rues, Tableau vivant exhale un air d’un autre temps qui évoque et l’univers d’un Calaferte et l’atmosphère de romanciers d’après-guerre et la flamboyance lyrique de poètes hors-mode.
L’histoire est simple, Milan, adolescent parisien de l’après-guerre, s’arc-boute sous, d’un côté, le petit séminaire, de l’autre, la sève grimpante de son âge. Léo, prostituée de Saint-Denis, battant le pavé, excelle à faire éclore les fleurs du plaisir. Entre les deux va naître et se développer l’élévation des plaisirs de la chair, doublée, comme à la dérobée, de ce qui se révélera pour l’un et l’autre une drôle d’éducation sentimentale. « Les pavloviens » auront beau jeu de « le classer dossier sensible », les lettrés aux lèvres pincées pourront bien le ficher comme un morceau de bravoure, Tableau vivant nous plonge à merveille dans un monde que l’on qualifiera comme à regret de suranné.
S’il décrit un univers codé -celui d’un âge de la vie et d’un milieu de la rue-, le code, ici, reste plus identitaire que policé. C’est la recherche et la réminiscence d’un temps perdu, le temps où « Paris était alors un mouvement de couleurs, une danse, une fête » ; une manière, aujourd’hui littéraire, de retrouver un peu de la dérive urbaine que cherchaient tant les situationnistes qu’Enjalbert semble connaître et comprendre à sa manière.
Si le roman d’Enjalbert porte en lui des héritages littéraires, une certaine façon romanesque, loin du rétro, il est avant tout l’expression d’une conscience aiguë aux accents souvent politiques. Artiste de la dissimulation et de l’esquive, l’auteur est parfois bien distinct du portrait qu’il semble dresser de son double romanesque, à qui il fait dire, notamment, « J’ai désappris le temps ordinaire, je peux m’élancer sans crainte vers la grande aventure de l’immobilité… Je me suis tué à ne rien dire, je n’aurais plus jamais rien à déclarer ». Soit. Mais que dire, alors, de quelques traits qui cinglent le texte et semblent montrer ses entrailles ? « L’important est de ne pas participer ».
Jean-Pierre Enjalbert aime « l’inaction radicale ». Il aurait le « je-m’en-foutisme enthousiaste », conscient très tôt que « la révolution ne peut être faite que par des voluptueux et qu’il faut savoir ne pas terminer un rêve ».
« Je pense à ce que j’éprouvais lorsque j’étais enfant et que je venais de terminer la lecture d’un livre. Au sentiment d’abandon, à l’envie qu’il continuât, à la cruauté d’un épilogue tombant comme un couperet… à la certitude qu’il y avait une vie après les mots. » Voilà le quai où nous débarque, enivrés, ce livre.

Tableau vivant
Jean-Pierre Enjalbert
Verticales
301 pages, 98 FF (14,94 )

Jouir sans entraves Par Pierre Hild
Le Matricule des Anges n°36 , septembre 2001.
LMDA papier n°36
6,50