Dans la constellation Léo Scheer -qui regroupe les éditions du même nom mais aussi Al Dante, Farrago, Via Valeriano-, une nouvelle maison voit le jour sous le nom de Melville. À sa tête, Alain Veinstein connu pour ses propres écrits, son activité de journaliste, mais aussi quelques aventures éditoriales, dont la plus récente accompagne le renouveau des éditions Seghers.
Sous une belle couverture rouge à rabat, avec en ombre une illustration pleine page camouflée dans les nuances de la couleur, trois titres lancent le navire Melville. Trois titres singuliers qui, s’ils ne font pas programme, ouvrent bien des champs possibles de publications, ces trois premières refusant les formats par trop classiques, les genres littéraires définis à l’étriqué. Un court roman, un fort recueil de poèmes illustrés, un ensemble de chroniques touchant au cinéma forment la première salve. Le premier est signé France David, jeune écrivain déjà auteur d’un roman chez Comp’act et d’une pièce de théâtre. Le deuxième Luc Boltanski, essayiste et poète, accompagné de son frère Christian, plasticien de renommée internationale. Le troisième Michel Cournot journaliste -notamment au Monde, où l’on peut lire ces digressives chroniques théâtrales- et écrivain.
À l’instant (272 p., 30 €) de Luc Boltanski, qui regroupe quatre cycles de poèmes écrits entre 1989 et 2002, apparaît comme le livre à la forme la plus complexe. Des poèmes mêmes aux commentaires, notes, illustrations qui les prolongent, des poèmes-canons de la troisième partie -présentant différentes lignes de chants courant en parallèle- au troublant « Tombeau » adressé aux parents, À l’instant se déploie en galeries et résonances multiples, souterraines ou apparentes. Élucidation des commentaires et dispositifs n’ôtent pas les mystères de textes jouant de référents qui vont du Livre des Rois au Shintô. Un tirage de tête comprenant un tiré à part des images de Christian Boltanski est disponible.
Moi Thérèse (96 p. 12 €) de France David est un drôle de roman fuyant qui donne voix à une artiste qu’un accident a immobilisé dans un fauteuil roulant. Depuis sa maison de retraite pour artistes accidentés, dans le Sud-Ouest, elle revient sur son passé et ses recherches des voies d’une création sous-tendue, aussi, par le deuil d’une sœur. Du théâtre au cinéma, dans une atmosphère évoquant parfois David Lynch, interrogeant ses obsessions et marottes, la narratrice semble faire écho au projet de l’auteur, poursuivre un étrange travail tournant autour de « l’autosuspicion ». Auto-fiction, autosuspicion, pseudo-auto-quelquechose, le texte, comme un miroir, interroge le lecteur sur ce qu’il guette et prend pour vrai ou faux, naïf ou grandiloquent, dans un ensemble intrigant.
Pour le repos des guerriers, on conseillera le volume Au cinéma de Michel Cournot (208 p., 20 €), un ensemble de chroniques parues « pas toutes mais presque » dans Le Nouvel Observateur. De Fort Apache à Jacques Tati, en passant par...
Éditeur Melville et ses scribes
mai 2003 | Le Matricule des Anges n°44
| par
Pierre Hild
Un roman, un recueil de poèmes illustrés, des chroniques sur le cinéma : Alain Veinstein lance sa maison d’édition en pariant sur la diversité et la singularité.
Un éditeur