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Domaine français Rapport sur toi

avril 2004 | Le Matricule des Anges n°52 | par Thierry Guichard

Une femme et ses deux filles passent le premier été avec un père et son fils. Et le fantôme d’une défunte.

Elle, elle est venue avec ses deux filles, Émilie et Dorothée qui voudrait bien profiter de la piscine pour apprendre à nager. Lui, il est venu avec son fils Vincent dont l’adolescence s’est figée dans le souvenir d’une mère morte. Ils se sont rencontrés il y a presque un an. Lui, il avait ce deuil à faire : sa femme morte jeune dont la narratrice retrouve des photos. Ils prennent ensemble les vacances d’été ; pour la première fois ensemble. C’est un test pour leur nouveau couple, leur nouvelle famille. Au ton qu’elle prend, dès les premières phrases, on sait que le test n’a pas donné un résultat positif. Elle s’adresse à lui, en un tutoiement qui masque parfois mal le ton du procureur, essayant de faire le point sur ces jours d’été sur la côte basque (où souffle une improbable tramontane…). Elle revient sur les gestes, les paroles, l’absence de gestes, l’absence de paroles qui vont ponctuer leur séjour. Il a choisi une maison reculée sur une colline d’où l’on peut voir l’océan. Il y a donc la piscine et le danger qu’elle représente pour Dorothée. Il y a aussi un essaim d’abeilles sur le volet de la salle de bains. Ces cinq-là, dans la fragilité de ce qu’ils essaient de construire, frôlent constamment le danger de l’échec.
Surtout, lui semble s’enfermer dans une vie intérieure, autiste sur laquelle même Vincent n’a pas de prise. Il est là et il est ailleurs. Son désir d’elle s’est émoussé et la voilà surveillant chaque signe de l’échec annoncé.
Il y a donc ce deuil que portent Vincent et son père. Comment remplacer dans le cœur de l’un et de l’autre, une mère et une amante quand l’absente est morte. La narratrice bute sans cesse sur les photos qu’elle a vues de la défunte, et sait qu’elle restera étrangère à un passé qui l’exclut d’autant plus qu’il s’est clos sur cette mort. « Et j’ai voulu lui ressembler. J’ai cru qu’enfin j’existerais. Je ne pensais plus qu’à elle. (…) Les photos que tu avais prises d’elle m’empêchaient de vivre. » Devenir la morte, c’est aussi une façon de tuer celle qu’on fut quand celle-ci a été rejetée, inexorablement, par le compagnon, le père des deux filles : « Quand leur père est parti, quelque chose s’est brisé entre les filles et moi. Leur regard renvoyait ce que je craignais d’y lire. Il était sans doute parti par ma faute. »
De cette histoire sentimentale, saisie en une sorte de huis clos estival, Brigitte Giraud parvient remarquablement à faire une histoire universelle qui nous émeut. L’histoire de deux êtres qui tentent de construire, reconstruire, une vie ensemble. Qui rêvent de l’inventer et que la chaleur cloue au sol. L’histoire perpétuelle de l’amour que le quotidien émiette inexorablement. Avec une précision d’entomologiste, Brigitte Giraud saisit ce moment particulier où la pesanteur reprend son pouvoir sur l’élan amoureux. Ce moment ténu où la vie sentimentale est un combat qu’il faut mener contre le destin pour ne pas avoir à le mener contre l’autre. La narratrice sait combien la voie est étroite, de plus en plus chaque jour. « Pour construire une vie nouvelle, écrit-elle, il faut (…) accepter cette part d’inconnu qui s’installe comme un danger. » Ce n’est hélas pas un danger extérieur qu’il faut combattre et la seule catastrophe du roman est bien trop humaine : près de la côte un pétrolier vétuste laisse s’écouler des tonnes de pétrole de ses soutes. Le drame avance lentement, au rythme du courant qui apporte une mort annoncée. La nappe reste longtemps invisible depuis le rivage. Elle est, elle aussi, une menace qui pèse sur l’été. Le quatrième livre de Brigitte Giraud, au réalisme affiché, se clôt en une parabole qui l’élève bien haut. Comme si seule la littérature pouvait encore échapper à la pesanteur.

Marée noire
Brigitte Giraud
Stock
135 pages, 13,05

Rapport sur toi Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°52 , avril 2004.
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