Court mais dense, énigmatique et troublant, le dernier recueil de Sandra Moussempès. Une fausse mise à nu, une traversée du jardin du désir et des amours, où tout n’est qu’une « question de perception », de passe et d’impasse, de connivence et de coïncidence. « Avec un casting de rêve on fabrique un mausolée ». Ce qui caractérise ce qu’écrit Sandra Moussempès, c’est une façon d’évoquer le brûlant des émotions, d’interroger les mensonges qui nous habillent et nous habitent, d’explorer un univers à la familiarité inquiétante. Des textes qui tiennent autant du rébus que de l’écho donné à ce qui fait perdre la tête ou vient parasiter l’ici/maintenant de présences importunes. « quelqu’un s’assoit dans le fauteuil d’un autre/ entraîne ses filles assorties d’un mauvais conte de fées// on tresse des louanges à qui présente une rime/ de cette absence de contenu (déambule)// se demande-t-on assez de rôles à tenir/ l’image même de nos intérieurs investit l’espace/ en contre-chant vinyle ». Chaque texte relève ainsi d’un montage d’intensités, de points d’irradiance s’éclairant les uns les autres par contraste, ou devenant tantôt prisme de déviation, tantôt opérateur de recompositions fuyantes. Des plans se croisent, des axes se déboîtent, des images se perdent hors-cadre, comme pour mieux souligner la dislocation douce ou les forces de distorsion à l’œuvre sous l’éros. En peintre, en poète, en photographe, Sandra Moussempès suggère le processus d’interaction continue qui ne cesse d’entamer ce qui se forme, ou de corroder ce qui voudrait s’éterniser. Entre écriture en apnée et tentative de réappropriation de signes, de signaux, Le Seul Jardin japonais à portée de vue semble témoigner tout autant d’un désir de résistance à la pression du réel que d’une volonté de (re)construire la demeure de l’être.
Le Seul Jardin japonais à portée de vue de Sandra MoussempÈs, Éditions de l’Attente, 44 pages, 6,50 €
Poésie Douce dislocation
janvier 2006 | Le Matricule des Anges n°69
| par
Richard Blin
Un livre
Douce dislocation
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°69
, janvier 2006.