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Égarés, oubliés Voronca parmi les hommes

mai 2006 | Le Matricule des Anges n°73 | par Éric Dussert

Issu de l’avant-garde roumaine des années 1920, le poète Ilarie Voronca a tracé son sillon en toute humanité. Une œuvre impressionnante, un écrivain majeur.

Comme Emil Cioran et comme Mircea Eliade, comme Ghérasim Luca, Eugen Ionesco et Benjamin Fondane, Ilarie Voronca est un écrivain français d’origine roumaine. Vingt ans après Panaït Istrati, il est né à Braïla, le 31 décembre 1903. Par un tour curieux du destin, il est le seul Roumain de Paris dont l’œuvre ne rencontre pas la large audience qu’elle mérite. Il faut croire qu’à la bourse des réputations, les cotes ont des raisons que la raison ignore. Car c’est bien d’ignorance qu’il est question ici, cette même tare dont souffrent d’aussi grands poètes que nos contemporains Christian Bachelin ou Henri Simon Faure. L’inexplicable, dans le cas d’Ilarie Voronca, est cette obstination avec laquelle on refuse de s’intéresser aux rééditions qui ne cessent de paraître depuis son suicide au retour d’un séjour en Roumanie, le 4 avril 1946. Des convaincus tels que Denys-Paul Bouloc, Guy Chambelland, Jean Le Mauve, Jean Pierre Begot et Edmond Thomas portent cette œuvre à bout de bras depuis des lustres. Il serait juste de les aider en ouvrant de temps à autres les volumes qu’ils proposent. Là, on s’apercevrait qu’Ilarie Voronca est grand parmi les grands. Homme de cœur, Ilarie Voronca fut un humaniste fervent, un être de qualité… évidemment, une aura malodorante impressionne toujours plus que le sens de l’Homme. Mais, plus tard, on liera ses poèmes lyriques aux œuvres de Walt Whitman ou d’O. V. Milosz.
C’est avec ses compatriotes Victor Brauner et Brancusi que débute Voronca. Avec Brauner, il fonde la revue 75HP (reprint J.-M. Place, 1993) dont paraîtra une seule livraison en 1924, édifiante il est vrai. Il fait alors partie de la colonie d’artistes réunie autour d’Agathe Paléologue. Aux côtés de Brauner, Jacques Hérold, Marcel Jacno et Robert Delaunay, il frôle le dadaïsme et, en 1933, il s’installe à Paris où l’a attiré «  la forge illuminée du surréalisme ». En 1928 paraît Ulysse dans la cité (réed. Le Temps des cerises, 1998), chef-d’œuvre dont l’incipit est digne de marquer les esprits : « Je te dédie un hymne siècle de la médiocrité ». Viennent ensuite en vers et en prose Patmos (1934, rééd. Le Pont de l’Épée, 1977), Poèmes parmi les hommes (1934), Permis de séjour (1935), La Joie est pour l’homme (1936), La Poésie commune (1936, rééd. Plasma, 1979), Amitié des choses (1937), L’Apprenti fantôme (1938), Le Marchand de quatre-saisons (1938), autant de volumes délectables dont la lecture conserve toujours quelque chose de terriblement déchirant et, par un paradoxe inexplicable, d’apaisant.
La vie à Paris n’était pas facile et la guerre survient. Avec elle une horreur contre laquelle l’homme fraternel qu’est Voronca paraît rétrospectivement désarmé. D’origine juive, Eduard Marcus, puisque voilà son état-civil véritable, est inquiété par la Gestapo. Il se réfugie avec sa compagne Colomba à Marseille et s’engage dans le Maquis. Il se retrouvera dans le Rouergue où il est hébergé, grâce à son éditeur Denys-Paul Bouloc, par un jeune couple d’instituteurs de Moyrarès, près de Rodez, les Mazenq dont il signalera la grande générosité. Dans la préface posthume qui ouvre le recueil de Jean Rivier en 1946 ou 1947, Voronca les salue peut-être : « Tout livre est une maison qui, sur les routes du monde, attend le voyageur exténué. Une chaleur agréable y règne. Les fenêtres sont ouvertes vers des paysages enchanteurs. Dans la chambre du milieu est dressée une table magique où les plats et les coupes ne se vident jamais. »
De retour à Paris après la libération, il est nommé chef des émissions en langue roumaine de la Radiodiffusion française, mais la guerre aura été l’expérience fatidique de cet être. Après avoir loué la Beauté de ce monde (1940) dans un recueil superbe – à moins qu’il ne l’ait appelée à la rescousse –, Ilarie Voronca baisse les bras.
N’était la création d’un prix littéraire fondé le 24 mai 1951 par Jean Digot en son honneur, et le militantisme de quelques éditeurs, il ne resterait pas grand-chose du souvenir de ce poète éminent voué à soulager un monde bafoué. Lire Quarante à cinquante personnes, Arbre 1942 ou Un peu d’ordre (éditions L’Arbre) suffit pourtant à s’assurer des qualités de son œuvre, de sa puissance aussi. Et quelques vers suffisent à souligner son indépendance à l’égard des dogmes de son temps : «  Vous avez bien fait les choses. Vous avez allumé/ D’énormes lampadaires dans les salles de fêtes,/ Vous avez su choisir les musiciens, les danseuses,/ Vos cuisiniers n’ont oublié aucun délice, Mais nous ne devons rien à personne. Nous pouvons partir.  »
La parole de Voronca, où percent autant la dignité que la désolation, relève d’un homme qui souhaitait ne pas se soumettre. L’aigreur qu’il serait en droit d’exprimer est dissoute dans la volonté et, sans doute, dans une immense confiance en ses frères et ses sœurs de la planète Terre, jusqu’au doute et au retrait. On connaît peu de poètes aussi puissants, aussi humains, aussi essentiels. Alors on lit Voronca.
Éric Dussert

Contre-Solitude d’Ilarie Voronca, préface de Jean Pierre Begot, Plein Chant, 95 pages, 12 , et Plein Chant N°77, 160 pages, 13

Voronca parmi les hommes Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°73 , mai 2006.
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