Une vie sentimentale à peu près inexistante et un célibat prolongé ont poussé M. Cousin, trentenaire parisien doux-dingue, dans les bras, si l’on ose dire, d’un serpent. À défaut de trouver ailleurs de l’affection, rien ne vaut l’étreinte chaleureuse d’ « un python de deux mètres vingt ». La fonction créant le petit nom, baptiser la bestiole Gros-Câlin, quoi de plus logique. « La sensibilité cachée sous les écailles », le reptile adoptif dispense ses faveurs en tout bien tout honneur. D’ailleurs, pour notre ami, « les pythons ne sont pas vraiment une espèce animale, c’est une prise de conscience ». Ce Cousin ne demande qu’à aimer (il est en « excédent » d’amour répète-t-il à longueur de temps), qu’à être aimé et sous les traits charmants de Mlle Dreyfus, une collègue de bureau aux « seins parfaitement sincères », il pense avoir trouvé l’âme sœur. Cette jeune femme en pince pour lui, du moins le croit-il fantasmatiquement. À la recherche d’un bonheur toujours possible et toujours fuyant, ce personnage à la fois attachant et pathétique s’expose à l’hilarité ambiante quand ce n’est pas à l’hostilité de ses semblables. Dans ce livre acide et désopilant daté de 1974, le tout premier publié sous le pseudonyme d’Ajar, Gary observe ses contemporains sans complaisance, soulignant la difficulté de communication entre les êtres. C’est surtout pour cela et un style rappelant Queneau que ce roman mérite d’être lu, ou relu. Cette réédition a par ailleurs un autre mérite, celui de dévoiler en annexe la fin initialement écrite par l’auteur et finalement mise de côté au profit d’une autre, politiquement plus correcte. Dans une belle présentation, Jean-François Hangouët réussit tout particulièrement à nous faire sentir l’importance de ce livre dans l’œuvre de Gary/Ajar.
Gros-Câlin de Romain Gary
Mercure de France, 282 pages, 16,50 €
Domaine français Mon petit python
mai 2007 | Le Matricule des Anges n°83
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Mon petit python
Par
Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°83
, mai 2007.