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Poésie Opérateur d’intensités

avril 2008 | Le Matricule des Anges n°92 | par Emmanuel Laugier

Décédé en 1981, Leonardo Sinisgalli a laissé une œuvre bouleversante, qui a su allier la sobriété à la violence âpre du sentiment d’existence.

L' Âge de la lune

L’Âge de la lune (1962) est le neuvième recueil traduit en français de Leonardo Sinisgalli, digne héritier d’Ungaretti et de Sandro Penna. Le premier à rassembler un important volume de courts textes en prose et de poèmes en vers. Son « livre le plus ouvert, le plus neuf, le plus élevé, selon ses commentateurs, un de ces livres symptomatiques qui enregistrent, jusque dans les résultats, un « cours nouveau » de la poésie, et lui confèrent une impulsion stimulante ». Il ne faut pourtant pas le séparer de Horor Vacui (Arfuyen, 1995), son journal, comparable à celui de Pavese ou d’Hopkins, ou de Oubliettes (L’Atelier la Feugraie, 2003), le dernier recueil de poèmes publié de son vivant. Il y évoquait une « main/ écrasée dans un recoin/ de la mémoire », en même temps que ces « Randonnées le long/ des routes sous le soleil/ qui provoque de violents/ crachements de sang ».
Dans ses vers, souvent brefs, il y a autant d’explosions remontées dans la langue, traces condensées d’expériences simples, immédiates, données à tous, mais tues. Autant d’enfances, faudrait-il ajouter, sur lesquelles L’Âge de la lune continue de se pencher, à jamais. On ne se change pas, semble dire Sinisgalli, on se bonifie plutôt, tout en se délestant (souplesse, fougue), on reste un peu fou, on rentre dans le devenir âpre (sans illusion de changer quoi que ce soit) de sa langue, à force de soleil reçu, de cagnard.On aiguise sa lame devenue plus fine. On se tient là dans l’équilibre et la voie étroite où exister : « Il reste peu de phrases,/ les plus honteuses ont le goût/ des ongles dans la bouche./ Il reste dans la vie cette chaleur/ qui nous suffoque, le temps/ insensé entre deux étés ». Sinisgalli écrira, presque péremptoire (mais quel poète ne l’est pas un peu) : « l’homme du sud ne mûrit pas », avant d’ajouter : parce qu’il « a du mal à sortir de l’enfance ». Il vieillit, en somme, dans son enfance, cet homme-là, lui qui a été saisi par les paysages de Basilicate, l’ancienne Lucanie, patrie d’Horace, où il naquit en 1908, et a fait de ce lieu le socle de toutes ses perceptions, jusqu’à ce quatrain en forme d’autoportrait : « Les vers causèrent sa ruine/ et une enfant les chante de mémoire./ Une pierre rappelle Isabella/ Mora assassinée par ses frères ». Dans Poèmes d’hier (La Différence, 1991), ouvrage écrit de 1939 aux années 50 à partir desquelles se continueront ceux de L’Âge de la lune, il note déjà que « Pétrie de lumière/ Tu restais là sans bouger dans le jour,/ Au temps des guêpes d’or/ (…) Alors on s’en allait pieds nus/ A travers les fossés, mesurant l’ardeur/ Du soleil aux traces/ Laissées sur les pierres ». On ne peut pas ne pas penser à certains récits de Kafka, lorsque lui-même évoque la course des enfants sortis à peine de l’école le long des talus, dans la campagne pragoise…
Sinisgalli, qui aura eu à choisir entre des études d’ingénieur et celles de lettres (on l’appelait Il poeta-ingeniere, en référence à sa carrière professionnelle auprès des grandes firmes telles que Olivetti), ne cessa de rapprocher les mécanismes de la création scientifique de celle de la poésie : il en retira un esprit de synthèse qui ne dévalue pas, ne schématise pas.Chez lui, l’essence de l’imagination est à l’origine de la perception et de la conception du temps et de l’espace, donc de l’enfance… Son approche du poème (en vers comme en prose) en gardera l’allure d’une épure nette et étrange, comme les « aspérités des sphères rugueuses/ derrière les murs calmes/ des tièdes soirées » qu’observèrent Galilée et Kepler avec leur première lunette, l’air de rien.

L’Âge de la lune
Leonardo
Sinisgalli
Traduit de l’italien par Thierry Gillibœuf
Éditions La Nerthe
208 pages, 20

Opérateur d’intensités Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°92 , avril 2008.
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