Donner un visage aux mots, les amener à cette forme de transparence que la douleur éveille, accepter qu’il y ait de l’inavouable. Affirmer qu’il y a du Mal, ne pas refouler la réalité de l’horreur, la traquer jusque dans la tête de l’homme - qu’il s’agisse de celui qui agressa Florence Pazzottu dans la nuit du 6 au 7 avril 2001, ou de « celui qui ne se croit qu’une pièce d’un/ des rouages de la machine de mort, robot/ manipulé, soldat docile vide de toute/ pensée/ inconscient toujours de la haine qu’il sert ».
La Tête de l’Homme est le récit de ce qui est arrivé à l’auteur et continue à faire écho dans son corps et sa pensée. Comme si l’impact physique subi, et tout ce qui s’est inscrit dans ses sens à ce moment-là, avait peu à peu pris forme de pensée. Puissance mobilisatrice de l’événement : c’est la courbure de sa vie qui s’impose à Florence Pazzottu, sa géographie physique. Ce sont les forces qui complotent autour d’elle et à l’intérieur d’elle, qui cristallisent en mots, en empreintes et souvenirs. Qui, par contagion, et glissements s’accordent fraternellement à la voix et aux témoignages de tous ceux qui, pris dans le vertige de la catastrophe, ont fait l’expérience du désastre. Nudité du concret, résonances et attente de vérité(s), ce qui est en cause, c’est une certaine hauteur de regard, la Tête de l’homme étant aussi le nom d’une montagne. C’est « ce que l’on croit le propre, qu’on dit soi, ou qu’on nomme/ profond, mon moimême ». Ce sont les cauchemars insensés que l’humain impose à l’humain. C’est la nécessité de penser jusqu’au bout, en dépit « de l’horreur de soi à quoi/ expose, extrême, la pensée, quand elle s’attaque/ au négatif et au néant, à ce qui nie la nie violemment ». Une parole qui se démarque radicalement du ressentiment aveugle, une écriture à « contre-pente », qui est recueil des forces qui résistent à la mort. Une sorte de métaphysique du singulier de l’homme et de l’énigme qu’il est.
La Tête de l’homme
Florence Pazzottu
Seuil, « Déplacements », 128 pages, 15 €
Poésie À contre-pente
juin 2008 | Le Matricule des Anges n°94
| par
Richard Blin
Un livre
À contre-pente
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°94
, juin 2008.