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Zoom Écrire la rupture

juillet 2008 | Le Matricule des Anges n°95 | par Sophie Deltin

A lire ou à relire, les écrits politiques de Maurice Blanchot au sortir de la guerre, incarnent la nécessité agissante du refus là où le temps de l’Histoire se brise, rompt.

Ecrits politiques 1953-1993

Ces « écrits politiques », sans doute avait-on déjà pu les lire - pour la plupart - à la faveur de l’heureuse initiative éditoriale de Michel Surya, directeur de la collection Lignes aux éditions Léo Scheer. C’était en 2003, soit l’année même de la mort de l’écrivain, dans un livre portant le même titre et aujourd’hui épuisé. Reste qu’en cette année de commémoration de mai 68 (Blanchot en fit l’un de ses combats majeurs), le geste d’Éric Hoppenot est bienvenu, nous redonnant l’occasion de relire ces textes et/ou de découvrir quelques inédits tous tirés de revues, quotidiens, lettres, pétitions ou tracts, et tous marqués au plus haut degré par l’éclat féroce d’une intelligence critique toujours maintenue en alerte par les bruits du monde. Le recueil, impeccablement annoté et rigoureusement ordonné à partir des années 50 et ce, jusqu’à son appel au soutien de Nelson Mandela ou celui contre la guerre en Irak, laisse délibérément de côté tout un pan du parcours politique de Maurice Blanchot : ses positions initiales d’avant-guerre (les articles violemment antisémites contre Blum parus dans la presse d’extrême droite en 36-37), son implication de plus en plus explicitement antifasciste par la suite, jusqu’à son « silence » synonyme d’une évolution (conversion ?), que ce soit dans la critique ou la parole littéraire (Thomas l’Obscur, Le Très-Haut). Autant de « moments » que l’on pourrait en somme regretter pour la compréhension globale d’une trajectoire, fondamentalement mouvante, et à plus d’un titre contradictoire.
De ce recueil qui se concentre donc sur le « retour » de Blanchot à l’écriture politique (à commencer, par la dénonciation des fourvoiements du communisme) et à son soutien désormais indéfectible à des valeurs « de gauche », on retiendra en toile de fond l’impact décisif de personnes, d’amitiés : Levinas, Dyonis Mascolo, Antelme, Duras, des Forêts… Les circonstances, particulièrement agitées, feront le reste : principalement, l’avènement au pouvoir du général De Gaulle, « porté cette fois (le 13 mai 1958), non par la Résistance, mais par les mercenaires », et dont le sacre traduit, toujours selon les mots de Blanchot, « la transformation du pouvoir politique en une puissance de salut ». Une « perversion essentielle » et impardonnable, ajoute-t-il dans un diagnostic sans appel, qui trouvera là de quoi solliciter durablement et à maintes reprises, son « désarroi » autant que sa responsabilité.
Tout entière portée par le souffle farouche et irréductible du « refus », la plume de celui qui récuse l’image d’un écrivain « engagé » mais assume désormais une indissociabilité profonde entre l’éthique, l’événement politique et l’écriture, ne s’épuisera alors jamais dans l’acte de dire non, mais s’exhaussera résolument dans l’affirmation du droit à l’opposition, à l’insoumission - ce droit à la « décision de la parole » qu’il envisage « comme recours ultime » - pour sortir le peuple et la société française de « l’état de mort politique » dans lequel le plonge chaque jour davantage l’État (De Gaulle n’étant « rien d’autre que le délégué de cette mort, le représentant d’un néant à la fois distingué et vulgaire » (…) ). C’est bien cet élan, cette énergie, superbement transgressive quoique pénétrée d’une gravité sans précédent, que l’on voit à l’œuvre dans le fameux « Manifeste des 121 » contre la guerre d’Algérie, dont on sait maintenant que Blanchot fut le principal rédacteur et qu’il dut, parmi d’autres, en répondre jusqu’à l’inculpation. À la faveur de cette initiative d’exception, à la fois collective (« chacun en a sa part et tous l’ont en entier ») et d’une certaine façon, déjà anonyme (« sa force impersonnelle, (…) ce fait que tous ceux qui l’ont signée lui ont certes apporté leur nom, mais sans s’autoriser de leur vérité particulière ou de leur renommée nominale… »), c’est bien l’enjeu et la portée d’une écriture comme aventure politique qui en vient à se dégager, et dont Blanchot aura à cœur de ressaisir le pouvoir de rupture, avec un souci extrême de clarté et de rigueur, dans le grand projet (finalement avorté) de la Revue internationale.
Outre la logique à la fois de mise en commun et d’abstraction de tout nom propre, de la pensée, ici inscrite dans le prolongement direct du Manifeste, celle du fragment impose sa nécessité : « le choix délibéré du fragment, s’explique Blanchot dans son article sur « Berlin », n’est pas un retrait sceptique, le renoncement fatigué à une saisie complète (il pourrait l’être), mais une méthode patiente-impatiente, mobile-immobile de recherche, et aussi l’affirmation que le sens, l’intégralité du sens ne saurait être immédiatement en nous et en ce que nous écrivons, mais qu’elle est encore à venir… » Ne pas croire ni prétendre « séjourner » dans une vérité, une certitude, encore moins un livre clos sur lui-même (cette « forme raffinée de la répression »), mais rester dans le dehors, l’élan et la démesure d’un sens foncièrement discontinu, infini et immaîtrisable (« tout cela qui dérange, appelle, menace et finalement questionne sans attendre de réponse »), telle serait la véritable signification de l’écriture politique selon Blanchot, au point d’ailleurs de refuser d’ « écrire sur (…) ce qui eut lieu, n’eut pas lieu en Mai (68) » - comme si, en préservant la « puissance d’ébranlement » que le Mouvement a inaugurée, l’écrivain n’avait jamais voulu s’en déclarer quitte.

Écrits politiques 1953-1993
Maurice Blanchot
Textes choisis, établis et annotés par Éric Hoppenot
Gallimard
272 pages, 16,50

Écrire la rupture Par Sophie Deltin
Le Matricule des Anges n°95 , juillet 2008.
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