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Domaine étranger Les années folles

mars 2010 | Le Matricule des Anges n°111 | par Dominique Aussenac

En un soliloque enlevé, l’Italien Ascanio Celestini dresse un réquisitoire plein d’humour et de poésie sur le désir d’être et de se consommer.

Contre-voix du despotisme, porte-voix d’émergences sociales et politiques : telles pourraient être les définitions du théâtre. Surtout celui élaboré dans la péninsule italienne depuis l’après-guerre. Grande créativité, expérimentations, virulence. Dario Fo, prix Nobel 1997 en est un furieux exemple. Dans son sillage et celui de Pasolini, est né dans les années 80, le théâtre-récit ou théâtre de la narration. En prise directe avec la tradition populaire du conte, il met en scène un acteur qui monologue. Ascanio Celestini, né en 1972 à Rome, fait partie de la deuxième génération de ce mouvement, celle des années 2000. Touche-à-tout : acteur, auteur de spectacles, de documentaires, de chansons, ses pièces se lisent comme des romans. Ainsi le personnage de La Brebis galeuse, qu’il est en train d’adapter pour le cinéma, se raconte. Et ne cesse d’évoquer comme un credo « Les années soixante. Les fabuleuses années soixante. » D’abord parce qu’elles lui ont donné le jour, ensuite parce qu’avant c’était presque le néant, et qu’il n’y avait rien à acheter dans les magasins. « A cette époque-là, les riches s’habillaient avec des vêtements du genre de ceux que les émigrants albanais qui arrivent en Italie achètent aujourd’hui. A cette époque-là, ils avaient tous peur de la guerre qui venait tout juste de se terminer. » Les années 60 sont avant tout positives, excitantes économiquement et fondatrices. Elles ont transformé l’homo plus ou moins sapiens, du fait du plein emploi, assurément faber, en consommateur effréné. Et ce avec la facilité, la futilité d’une chanson à succès qui s’approprie vos lèvres, une part de votre cerveau tout en évoquant : Sapore di sale, sapore di mare (les coquillages et crustacés).
Trente-cinq ans plus tard, le narrateur nous indique qu’il est mort. D’ailleurs, tout le monde voulait mourir. Car tout le monde avait tout vu et qu’il n’y aurait dorénavant forcément rien de nouveau. Pêle-mêle : les chiens dans l’espace, le lait en poudre, l’œuf Kinder, les tours jumelles : boum ! Le métro de Londres et celui de Madrid : boum, boum ! Kaboul, Bagdad : badaboum ! Consommé trop d’images, consumé trop d’horreurs ! Un peu la fin de l’Histoire, de la Philosophie… Puis « Le monde se répétera comme la rediffusion d’une émission déjà passée sur les ondes. Le futur sera un résumé des épisodes précédents. A partir de demain, même l’extermination sera un spectacle ennuyeux. Je suis né dans les années soixante. »
Mais qui nous parle ? Qui est ce narrateur ? Celui et le seul qui puisse encore être écouté. Ni le politique, ni le militant, ni l’entrepreneur, ni le religieux, ni le présentateur télé. Non, celui qui vit dans une « résidence de saints » et n’en sort qu’une fois par semaine avec la sœur qui pète, pour aller au supermarché. Il a été élevé par sa grand-mère qui offrait des œufs à gober. Sa maman vivait dans l’asile de fous. Lui, il ne parle qu’avec Nicola qui rêve de femmes à poils qui lèchent les hommes. Nicola qui n’évoque que le côté paternel, façon Padre Padrone. Ces mois passés avec ses frères à garder des chèvres dans les montagnes. Ces femmes qui les lèchaient pour de l’argent et celle qu’il recueille nue au petit matin et que les fratelli caillassent dans un buisson. Les gendarmes viennent et l’interrogent, lui, Nicola. Le narrateur et Nicola ne feraient-il qu’un ?
Ascanio Celestini a la bouche dorée et son souffle transforme le sordide, l’horrible, le trivial, en feu d’artifice. Il mêle parlers populaires, slogans publicitaires, poésie pure, analyses doctes, pertinentes, anecdotes, faits historiques ré ou désinterprétés, zigzague à travers les temps et crée une fable-farce d’aujourd’hui, riche, ironique, décalée. Une vraie critique sociale. A l’instar, du yaourt Müller, il sait faire l’amour avec le goût. Du plus mauvais, il en rend le meilleur. Fabuleux !

La Brebis galeuse d’Ascanio Celestini
Traduit par Olivier Favier, Éditions du Sonneur, 125 pages, 14

Les années folles Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°111 , mars 2010.
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