L' Immense solitude
Editions Noir sur Blanc
Je veux dire par là, qu’à force de mourir dans Nietzsche et dans Pavese j’ai fini par naître, par marcher sur mes jambes, et grandir, et vieillir. C’est sans doute le sens obscur de ce livre. » La nouvelle version (un avant-propos, des dessins en plus, des textes modifiés) de L’Immense Solitude creuse la même douleur que l’édition précédente : la mort prématurée de ceux qui furent leurs pères, et ce qui s’ensuivit – la détresse. Il faut le dire au pluriel car c’est le « avec » du sous-titre qui sans doute est le plus important, Pajak avec Nietzsche et Pavese, Pavese avec Nietzsche et Pajak et inversement. Et c’est par la douleur, ainsi que la fascination pour la ville de Turin, que l’œuvre se dessine, en noir et blanc, en traits crus et parfois chargés. Tout cela sombre et gracieux, et si l’auteur dit lui-même que son livre est une rêverie, elle semble bien douce et élégante : lorsque Pajak se met à écrire, il est si plein de finesse et de pénétration qu’on s’en trouve saisi, littéralement. L’Immense Solitude raconte la montée vers la mort de deux auteurs célèbres, trop pleins de désespoir, trop seuls, sans consolation. Du récit, des citations – nombreuses – des illustrations – le plus souvent des lieux, ou ces hommes, seuls sur la page – tout est écrit au présent : maintenant, Nietzsche fait ceci ou cela, maintenant, Pavese dit ceci ou cela. Et de maintenant en maintenant, la séparation d’avec le monde se fait plus profonde, tandis que dans le livre où nous sommes plongés, dans notre maintenant, tout est délicatesse. Il y a bien du mystère dans le trouble que produit Pajak ici, qui parvient à nous ramener à ce qui est fraternellement aimant en nous, par la grâce de son crayon et de son stylo.
G. M.
L’immense solitude
Avec Friedrich Nietzsche et Cesare Pavese,
orphelins sous le ciel de Turin
de Frederic Pajak
Noir sur blanc, 312 pages, 24 €