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Domaine étranger Fin de partie en sous-sol

novembre 2013 | Le Matricule des Anges n°148 | par Christine Plantec

Le romancier néerlandais Peter Terrin impose un état des lieux d’une vie menant aux confins du tragique et de nous-mêmes.

Michel et Harry ont pour mission de surveiller le sous-sol d’un immeuble de 40 étages. Leur vie s’organise autour de la ronde des « cent vingt places de parking, réparties sur quarante garages sécurisés, un par appartement de luxe de mille mètres carrés chacun ». À quoi s’ajoutent les temps de repos (cinq heures à tour de rôle), le ravitaillement où les deux hommes doivent faire montre d’une vigilance exemplaire lorsqu’un individu pénètre dans leur territoire, les repas consistant en l’ingestion de pain et d’eau. «  L’Organisation  » interdit aux gardiens de sortir du parking souterrain et puisque tout est perçu et raconté du point de vue de Michel, nous ne savons pas ce qu’il en est du « dehors  » sinon qu’une attaque menace en permanence. « « La nouvelle guerre ». Une guerre dont personne ne sait si elle existe réellement (…). À chacun de le deviner. C’est précisément là la caractéristique principale de cette guerre mondiale : l’ennemi est inconnu ».
À l’air libre, en revanche, de superbes villas luxuriantes de verdure subsistent et seule l’élite des gardiens peut y prétendre. En attendant, c’est dans la moiteur morbide et l’obscurité d’un sous-sol où ils sont « capables de s’orienter les yeux fermés  », que les deux agents, toujours armés, officient. Un jour, tous les résidents – sauf un – quittent l’immeuble. C’est le jour de l’exode. Ils dédieront toute leur attention à cet unique occupant dont l’identité leur est inconnue. Un autre jour, un gardien (celui qu’ils attendent depuis longtemps) viendra à leur rencontre. Pour prendre la relève, pour les aider ? Les piéger ? Comment savoir ? Et le doute de s’insinuer dans les esprits comme un boa autour de sa proie.
Les trois parties de ce singulier roman sont comme les trois actes d’une tragédie où unité de temps, de lieu et d’action se mêlent l’une l’autre et, finalement, s’annulent pour ne plus être que l’espace mental d’un personnage dont on ignore s’il vit ce qu’il décrit, s’il affabule ou si une instance extérieure à lui dirige le récit tout entier au point de créer un espace autre, extérieur à la fiction elle-même. « À la frontière du dehors et du dedans, je sens l’interdit, la présence impérieuse de la ligne de partage mental. À cet instant, je me rends compte que tout en rêvant je peux déjà interpréter mon rêve, si bien que je n’ai pas d’inquiétude  », confie Michel. Le lecteur n’en est pas pour autant perdu. Intrigué par l’étrangeté de cet univers, il se laisse troubler par la parabole aux allures de dystopie. C’est pourquoi il serait réducteur de ne voir dans Le Gardien qu’un roman de science-fiction. Peter Terrin y décrit les rouages d’une société où « les hommes combattent pour leur servitude comme s’il s’agissait de leur salut  » (Spinoza). Les premières lignes du récit contiennent en germe les mécanismes menant à la soumission individuelle et, par extension, aux totalitarismes : « D’ici, on n’a aucune visibilité sur la situation. Il nous est impossible d’imaginer ce qui se produit véritablement à l’extérieur. En réalité, cela ne fait aucune différence. Notre tâche est ici, au sous-sol, près de l’entrée », martèle Michel tout en déplorant le fait que l’architecture du parking ne permette pas une surveillance efficace des emplacements ! Il faudra attendre la toute fin du roman pour découvrir l’idéal panoptique dont rêve le gardien…
Ce texte, ondoyant entre sobriété, fable poétique et hallucination, offre une expérience troublante en ce qu’il brouille les pistes, déjoue les attentes et indique néanmoins un sens. Pourtant, comme le narrateur, nous pourrions dire : « Maintenant que la réponse est proche, je la diffère encore un peu. Pour le plaisir. Comme si je faisais une excursion dans un paysage inattendu. Je reviendrai bien tout à l’heure. Ce n’est pas le temps qui manque  ».

Christine Plantec

Le gardien
<de Peter Terrin
Traduit du néerlandais par Anne-Lucie
Voorhoeve, Gallimard, 250 pages, 18,50

Fin de partie en sous-sol Par Christine Plantec
Le Matricule des Anges n°148 , novembre 2013.
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