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Domaine français Bande-son

octobre 2014 | Le Matricule des Anges n°157 | par Anthony Dufraisse

Les Grands, de Sylvain Prudhomme, surprenant roman d’autour d’un mythique orchestre africain.

Dès qu’ils mettent le pied en Afrique, bien des écrivains français marchent de travers. Et si bons écrivains qu’ils soient par ailleurs, ce dépaysement nous vaut de lire des livres le plus souvent sans originalité. Sûrement parce qu’il a longtemps vécu et travaillé là-bas, Sylvain Prudhomme signe lui un livre dont le ton et le style n’ont guère d’équivalent parmi ceux qui ont été consacrés ces derniers temps à l’Afrique. Sans doute le choix du sujet n’est-il pas étranger à cette belle réussite. Tisser une histoire autour d’un groupe de musique, les Super Mama Djombo, permet dès le départ d’éviter écueils et lieux communs. C’est dans un faubourg de la capitale de la Guinée-Bissau, en 2012, que se déroule une sorte de va-et-vient dans les couloirs du temps. Dans une atmosphère de violence tapie (un coup d’État se prépare) et de volupté captive, Couto, le personnage principal, regarde dans le rétro, trente ans en arrière. « Grand docteur de la guitare » au temps des tournées triomphales, celui que les fans acclamaient d’un « Coutoooooooooooo ! » quand, sur scène, il entamait un de ses solos, n’est désormais plus qu’un « vieux machin » fauché. Bref, il fait partie de ses « grands » musicos, dont les initiés se murmurent le nom comme un fétiche. C’est un genre de dinosaure qui survit dans le présent, la tête farcie d’images et d’applaudissements : « Dans le souvenir de Couto les dates se mélangeaient, les lieux se confondaient, ce n’était plus qu’un seul et même tourbillon ininterrompu qu’il regardait aujourd’hui non sans perplexité, comme une autre vie, une success-story qui le laissait presque incrédule ».
Si Couto se penche sur son passé, c’est parce qu’une pièce maîtresse a disparu. Dulce, « la chanteuse du mythique orchestre », n’est plus. Dulce « l’ensorceleuse », Dulce « la diablesse » qui aura été le grand amour de sa vie s’en est allée. L’évocation de cette passion amoureuse et de la belle époque du groupe, Sylvain Prudhomme la place sous le signe d’une nostalgie irrépressible. L’histoire du couple, celle des membres passés du groupe mais aussi celle du pays au temps de la guerre d’indépendance contre les Portugais s’entremêlent à la manière de cette mangrove qui prolifère aux pieds des quais du port de Bissau, et que la marée submerge à intervalles réguliers. Du reste, on devine très vite que ce récit sera inondé de mélancolie douce en découvrant le vrai prénom de Couto : Saturnino. Si on veut bien se rappeler que Saturne est ce dieu romain assimilé au Chronos du panthéon grec, il faut croire que Couto-Saturnino était prédestiné à voir le temps lui jouer un mauvais tour. « Ancienne gloire grisonnante » et « branleur impénitent », le personnage de Couto erre d’une époque à l’autre, entre l’âge d’or des années 70 et un aujourd’hui plombé sur lequel, avec la mort de Dulce, tombe en plus un voile de crêpe noir. Pour orchestrer ce chassé-croisé, Prudhomme s’en sort bien. Et d’abord parce qu’il refuse de jouer avec ses personnages comme le ferait le montreur de marionnettes. Non : il a choisi de se glisser parmi eux, de les regarder vivre, vieillir. Ce qui donne un style assez atypique où différents plans – description et intériorité – se superposent.
Redisons-le, il ne faut pas voir dans ce livre qu’un itinéraire personnel ou un récit à deux personnages. Prudhomme embrasse sur plusieurs décennies l’histoire d’un pays, le milieu local de la musique, la mentalité des gens là-bas. Vraiment, le son de ce livre est assez unique : il a ce grésillement d’un vieux vinyle qui tourne au ralenti sur une platine.

Anthony Dufraisse

Les Grands
Sylvain Prudhomme
L’Arbalète, 252 pages, 19,50

Bande-son Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°157 , octobre 2014.
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