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Poésie L’art frontalier du poème

mars 2016 | Le Matricule des Anges n°171 | par Richard Blin

Poète européen, Jacques Darras tresse les facultés de l’œil, de l’oreille et de la voix à une pensée de la sensation, pour faire épopée de son existence et de l’histoire d’un Nord dont il vante le génie.

L' Indiscipline de l’eau : Anthologie personnelle 1988-2012

Poète, essayiste, traducteur de poésie anglo-américaine, Jacques Darras, né en Picardie (1939) à deux pas des côtes de la Manche, porte un Nord d’eau et de lumière en lui. Il aime l’élément liquide, les fleuves qui, sous « leur faussement placide uniformité », s’en vont vers la mer, nous laissant sur leurs rives. Dans les paysages qu’il fréquente, il y a toujours une rivière, « cette constante mue ». Parce qu’il a besoin de « cette force qui échappe / À l’emprisonnement du présent et donne du futur au paysage ». C’est d’ailleurs d’une petite rivière picarde, La Maye, qu’il a fait la mesure poétique d’un très long poème, divisé en huit chants, et dont la première livraison, La Maye I (aux éditions In’huit, qu’il avait fondées à Amiens) date de 1988. Si depuis peu il a inauguré un nouveau cycle de poèmes inspirés par la poésie médiévale du nord de la France, les Oiseuses, c’est en puisant dans les chants de La Maye qu’il a composé L’Indiscipline de l’eau, une anthologie qui est une sorte de voie royale pour entrer plus avant dans son œuvre.
Chez lui l’écriture a sa source dans une étonnante sensibilité aux lieux. C’est à partir d’elle que le poème se lève – « Ne restez pas dans ses jambes » – se met en marche, nous entraîne dans sa dynamique. « Une vague nous porte, nous emporte, à déferlement plus ou moins immédiat. » Et, de fait, si le poème a commencé par suivre le cours d’une mince rivière, très vite, il nous conduit sur les routes de l’Europe médiévale ou les champs de bataille de la Grande Guerre. Puis ce seront les frontières qu’il sautera, l’espace et le temps qu’il conjuguera au fil des élans érotico-géographiques du sensible de la pensée et du corps de la langue. Une écriture très directement adressée s’est mise en marche – « La Poésie est mouvement, claquement de langue les mots affluent à la salive / Par trois par deux » – qui a la plasticité et le rythme du vers ample et clair de Walt Whitman, le poète de l’en-avant.
Inventeur du poème « parlé marché », Darras joue de toutes les voix – celle qui chante, celle qui rythme, celle qui profère – pour construire une structure polyphonique conciliant l’architecture et la danse. Un poème, écrit-il dans La Transfiguration d’Anvers (Arfuyen, 2015) « c’est l’art de rendre distinctement visible un espace donné, dans le dynamisme d’un rythme sensible. Le poète est en somme un danseur de langage ». Ce rythme de danse corporelle c’est celui de « l’ancienne locomotive païenne des Gilles de Binche », celui des grandes traversées diagonales vers la Belgique, Namur, Bruxelles et sa Grand-Place, véritable cathédrale à ciel ouvert où se croisent dans un enthousiasme baroque tous les styles et où se rencontre un peu de l’Autriche, de l’Espagne, de l’Italie, des Pays-Bas.
Qu’il fasse son autoportrait en buveur de bière – « la bière est eau la bière est le feu la bière nous purge nous tempère / Buvons les mots buvons les moûts, par les levures élevons-nous » –, avance dans les rues « comme en lisière d’une plage », consacre un poème à la moule, clame son amour des peintres primitifs flamands ou imagine Rubens dialoguant avec sa femme « nue sous une fourrure noire », Darras cherche toujours « de nouvelles appariades entre la parole légère courante et l’ouragan spontané du chant ». Pour mieux accompagner rythmiquement le monde. Pour mieux s’élever contre les replis peureux, la crispation à l’intérieur des frontières, « comme si l’arbre humain pouvait encore se cultiver localement / Par petites nations, en pots, en plates-bandes, en brèves pépinières / Souveraines. Non ! ». Tel est Jacques Darras, « un poète tout haut pas un poète tout bas, (…) pas un légiste de l’élégiaque vraiment non, je suis un poète de la colère, de l’éveil et de la vigilance ».
Richard Blin

L’INDISCIPLINE DE L’EAU, anthologie personnelle
DE JACQUES DARRAS
préface de Georges Guillain, Poésie/Gallimard, 254 pages, 7,90

L’art frontalier du poème Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°171 , mars 2016.
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