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Égarés, oubliés Modeste Léonard

mai 2016 | Le Matricule des Anges n°173 | par Éric Dussert

Rouquin musculeux de Nîmes, Marc Bernard est le représentant du prolétariat cultivé mais trop discret. À lire entre Georges Navel et Henri Calet.

Avec Marc Bernard (1900-1984), cette rubrique vouée aux égarés se met sur le fil du rasoir. Impossible de dire si Marc Bernard est un oublié ou bien un retrouvé ! Même si Stéphane Bonnefoi, Nîmois de même, bataille depuis quinze ans pour lui rendre sa superbe. On dit bravo devant tant d’enthousiasme – et d’acharnement justifié. Bonnefoi, dépositaire des archives de Bernard, a trouvé son os à ronger et s’emploie vaillamment avec le concours d’éditeurs consciencieux (Le Dilettante et Finitude en particulier) à rétablir le prolétaire Marc Bernard dans ses droits d’auteur méritant. C’est un fait et c’est bien. Pour autant, et malgré l’immense goût que l’on a de son récit Sarcellopolis (Flammarion, 1964) qui est comme un petit frère à l’Aubervilliers de Léon Bonneff, de ses romans, de ses chroniques, de ses Vacances (Grasset, 1953), et de son œuvre en général (publiée presque intégralement chez monsieur Gallimard), on se dit que la résurrection de Marc Bernard n’est pas une mince affaire.
On parle un peu d’expérience car on se souvient de l’effet Jean Prévost que Jérôme Garcin avait insufflé à grand renfort de médias dans les années 1990. Et l’on se souvient aussi que, après le prurit médiatique, un retrait lent mais sûr avait consécutivé. D’ailleurs lit-on encore beaucoup Dix-huitième année (1929) ou Les Frères Bouquinquant (1930)  ? Tandis que s’effacent les œuvres d’Henry de Montherlant et de Jacques Chardonne, pendant qu’errent celles de Jules Romains, de Jacques Audiberti ou d’André Dhôtel, on se demande comment les lecteurs de Marc Bernard pourraient croître beaucoup et se maintenir énormes, voraces et gesticulants comme des fans. N’est-il pas un peu l’écrivain pour écrivain ce Bernard, l’auteur pour fieffés lecteurs, pour amateurs aguerris sachant discerner ?
L’amitié de Jean Paulhan et l’étonnante correspondance qu’ils entretinrent durant quarante ans ont de quoi mettre la puce à l’oreille pourtant. On trouve au catalogue de la maison Claire Paulhan ce roboratif ensemble de lettres sous le titre Correspondance 1928-1968 et on y passe des heures, frappé par tant de lucidité, de simplicité, d’humilité et de sagesse. « La vérité ne consisterait-elle pas à ne pas passer la farce sous silence ? N’est-ce pas mentir que de montrer la vie sous un jour aussi uniformément sombre ? Il me semble que ça devient assez à la mode et terriblement ennuyeux. » Il faut voir comment il expédie les « magnes » surréalistes ; c’est net et sans bavure. Dans ces pages magnifiques et libérées de la pression du regard extérieur, on n’en finit pas de découvrir un homme délicieux et ses préoccupations sociales, ses embardées topographiques et ses aventures intellectuelles telles qu’elles ressortent aussi de ses écrits. C’est peut-être la meilleure porte d’entrée de son œuvre, l’entrée des artistes en somme. Après il y a ses prix littéraires : l’Interallié 1934 pour Anny, le Goncourt pour Pareils à des enfants pendant la guerre. Ensuite on enquille ses livres en constatant que Stéphane Bonnefoi a bien raison. L’obstination a du bon.
Fils d’une lavandière et d’un père fuyard, Léonard Marc Bernard (fils de Bernat mais l’état-civil a coquillé) est un prolo qui a fait du style sa colonne vertébrale et qui a tout misé sur le mot. Monté à Paris en 1919 après avoir été apprenti pendant la guerre, puis ouvrier, il se détourne de l’usine et du syndicalisme pour le journalisme. En particulier à partir de 1928, date à laquelle il devient secrétaire de réaction de Monde sous la direction d’Henri Barbusse. À l’âge de 29 ans il est consacré critique littéraire par ce dernier et va peu à peu s’éloigner de la littérature prolétarienne tout en maintenant un sérieux engagement contre le fascisme jusqu’à la guerre.
Aujourd’hui paraissent sous le titre de Vacances surprises ses chroniques issues du Figaro (1957-1961), un délice de remarques vécues, sur le ton complice, piquant et faussement naïf d’un Calet passé en bonbonnière, et puis Mayorquinas, la découverte troublante d’une île en solitaires (il y est avec sa femme Else, grande organisatrice des vacances) équipée d’un dvd documentaire de Stéphane Bonnefoi, qui signe aussi une biographie impeccable aux éditions du Murmure. Très franchement, on n’a pas besoin d’aller plus loin pour faire connaissance.
Marc Bernard a été trop discret jusqu’à présent pour ne pas nous arrêter un peu désormais, d’autant que son penchant pour les vacances, mazette, en fait un vrai moderne. Même lorsqu’il choisit de ne pas aller au Japon : « Tout compte fait, point n’était besoin d’aller si loin quand j’avais une bambuseraie sous la main. Depuis, quand on me demande : « Et alors, ce voyage au Japon ? » je deviens intarissable. Je puis dire sans me flatter que j’en connais (c’est le cas de le dire) un bon bout. » Comme l’écrivait Christian Liger en 2000, « Ses matériaux premiers sont le papier jaune qui enveloppe un saucisson, les cuisses maigres des bordels populaires, les souvenirs brefs de la vie ouvrière à Lyon et les eaux effervescentes des jardins publics : le culte de l’amour jeune dans un monde usé, avec les cris simples de la vie. » Existerait-il autre chose ?
Éric Dussert

Marc Bernard, la volupté
de l’effacement
de Stéphane Bonnefoi
Le Murmure, 328 p., 20
Mayorquinas L’Imaginaire,160 p., 14
Vacances surprises Finitude,160 p., 15,50

Modeste Léonard Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°173 , mai 2016.
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