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En grande surface Du toupet et du coffre

octobre 2016 | Le Matricule des Anges n°177 | par Pierre Mondot

Après Mauriac, dont il fut le biographe, Jacques Chirac, auquel il prêta sa plume pour la rédaction de ses mémoires, Jean-Luc Barré choisit de consacrer un récit aux mésaventures de Jérôme Cahuzac. MauriAC, ChirAC, CahuzAC : à première vue, ce parcours semble suivre le fil d’un improbable défi oulipien. Mais si le directeur de la collection « Bouquins » s’est intéressé à cette histoire, c’est d’abord parce qu’il bénéficiait d’un poste d’observation privilégié. Adjoint à la culture de Villeneuve-sur-Lot, il est en première loge lorsque Cahuzac y débarque à la fin des années quatre-vingt-dix, fraîchement dessanglé de son parachute, pour y gagner le mandat de député. L’auteur fut son adversaire politique avant d’en devenir l’ami puis le confident après sa chute.
Au nom de ce lien sans doute, Barré cherche à le débarrasser des oripeaux du fourbe de comédie pour lui conférer la noblesse d’un personnage tragique, inspirant pitié et terreur.
C’est d’ailleurs en Lady Macbeth qu’il commence par le peindre. Nous sommes quelques mois après ses aveux. Les deux hommes déjeunent lorsqu’une goutte de sauce vient maculer le député : « Rien de grave, pourtant. La tache se remarque à peine, mais il ne voit qu’elle. Il s’efforce de la faire disparaître en frottant en vain sa chemise. Il se ressaisit, feint de l’oublier. Mais il ne peut s’empêcher de la regarder à nouveau. Agacé, perturbé, il n’a plus en tête que cette tache qui, irrésistiblement, finit par m’évoquer celle dont il a tout tenté pour se défaire sans davantage y parvenir. » – mais dans ce geste que l’enquêteur déchiffre comme une marque de culpabilité, peut se lire aussi l’obsession du fraudeur pour le blanchiment. Ailleurs, Cahuzac apparaît plus souvent détestable que terrifiant.
Chirurgien reconnu, l’homme débute en politique au cabinet de Claude Evin : « On le surnomme Torquemada en raison de son intransigeance. » Il a pris goût à la politique mais se retrouve sur la touche après la démission du gouvernement Rocard : « Il est l’un des rares conseillers à ne pas trouver à se recaser. » Probablement à cause de la sympathie que déjà il inspire.
Il délaisse alors la cardiologie pour un domaine de la médecine plus proche d’hypocrite que d’Hippocrate et fonde avec sa femme une clinique d’implants. Ce passage « du viscéral au capillaire », du cœur au crâne, de la profondeur à la surface, n’a rien d’insignifiant. Il dévoile l’appétit de l’homme pour l’argent mais trahit surtout son penchant pour la dissimulation. Au point d’en faire commerce.
Les époux ne tardent pas à faire fortune. Et c’est bien malgré lui que ce nouveau gang des postiches fraude le fisc, Monsieur le juge. S’ils ouvrent à cette époque de nombreux comptes à l’étranger, c’est avant tout pour satisfaire à l’exigence d’anonymat de leur clientèle alopécique. Rien de plus. Face au vice-procureur Toublanc (je n’invente rien), lors du procès, Patricia Cahuzac s’entête à travestir le vénal en véniel : « Dans la chirurgie esthétique, la fraude est banale. Comme chez les dentistes. » Et Monsieur confirme : « Quand on vous paie en espèces, il faut être un héros pour tout déclarer – moi, je n’ai pas été un héros. » Daniel Balavoine remixé par Florent Pagny. Le père de Jérôme, membre de la Résistance, fut torturé par la Gestapo pendant la guerre et on dirait que d’une génération l’autre, quelque chose s’est perdu. 
Député, maire, ministre, l’ascension est rapide. Mais l’arrogance qui accompagne sa réussite irrite. Cahuzac se croit franc ; en réalité, il est brutal : « Tu es mort ! » lance-t-il à l’auteur du livre, un soir de succès électoral. Avant que n’éclate le scandale, c’est son manque de discrétion que son entourage déplore. « Tu as trop de talent ! Tu le montres trop ! » martèle François Hollande.
« Se cacher est un plaisir, ne pas être trouvé est une catastrophe », écrit le psychanalyste anglais Donald Winnicott. L’enregistrement téléphonique durant lequel on l’entend évoquer son compte en Suisse n’est rien d’autre qu’un lapsus technologique. L’inconscient freudien a trouvé avec les téléphones portables un nouveau terrain de jeu.
Cahuzac aujourd’hui s’est retiré en Corse. Où probablement il ressasse. Songe que si la lettre des Suisses attestant qu’il ne possédait pas de compte à l’UBS – mais ailleurs – était parvenue quelques jours plus tôt, le procureur n’aurait pas requis d’enquête. Il n’en serait pas là aujourd’hui à incarner dans l’opinion publique la figure du menteur, quelque part entre Jean-Claude Romand et Véronique Courjault.
On l’imagine seul, maugréer contre la lenteur proverbiale des Helvètes. Se répéter qu’il s’en est fallu d’un cheveu.

Du toupet et du coffre Par Pierre Mondot
Le Matricule des Anges n°177 , octobre 2016.
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