Un livre

Entre les murs, des voix

de Gabrielle Giasson-Dulude

Editions Remue-ménages

Au printemps, des membres de la Sorbonne Nouvelle lançaient un appel pour créer des « zones à écrire » dans leur université mais en dehors des codes universitaires. Cet appel trouve une forme de réponse ou de prolongement dans le petit ouvrage de Gabrielle Giasson-Dulude publié par les québecoises et féministes Éditions du remue-ménage. À la croisée de l’essai et de l’autoportrait, ce texte de « recherche-création » tente de se frayer un chemin singulier d’écriture. S’il aborde les pratiques collectives (par le biais des ateliers d’écriture et de la chorale), Entre les murs, des voix propose surtout une réflexion sur les façons de déjouer les postures d’autorité, et plus encore de ramener du corps et de la « voix » dans l’écriture académique. Le projet est ambitieux, et ne convainc pas tout le temps (il faut passer outre quelques passages verbeux autour de citations, de rares synthèses historiques un peu cavalières, et parfois des clichés d’époque – le rêve des cabanes, la vraie vie des animaux). Mais c’est un beau et fragile texte sur les vertus du tâtonnement (« J’ai souvent le sentiment qu’écrire, c’est tolérer en moi des montagnes de maladresses, (…) c’est contempler mes couches de résistance, ou ce qui empêche la circulation. »), et le feuilletage des « identités » (à la fois étudiante et enseignante par exemple), qui donne envie d’écrire à son tour et de lire (au hasard et parmi tant d’autres : Penser avec les mains, de Denis de Rougemont, Apprendre à transgresser de bell hooks, La Violence du calme de Viviane Forrester).
Dans cet autoportrait de chercheuse en train de chanter dans une cage d’escalier, Gabrielle Giasson-Dulude parvient en peu de pages à faire émerger ce lieu paradoxal qu’est l’université, ses murs couverts de graffitis pas toujours amis, ses bureaux parfois sans fenêtre, ces territoires d’affinités électives et de cohabitation obligée.

Chloé Brendlé

Entre les murs, des voix
de Gabrielle Giasson-Dulude
Remue-ménage, 214 pages, 16 €