Claude Louis-Combet est un écrivain du désir pour lequel le verbe se fait charnel. Et même si, en ce qui concerne la langue, « entre tous les objets de désir qui l’excitent, les mots représentent la part la plus spirituelle », cette part n’est pas exempte de sensualité puisque la langue « cueille (les mots) à fond de gorge, elle les palpe, elle les enveloppe, elle les goûte ».
Le Don de Langue est un inventaire jouissif, sorte de blason moderne dédié à l’organe et à la fonction créatrice. « Le cri du désir et le cri de la douleur sont si proches parents que la langue ne sait plus lequel elle retient quand elle oeuvre en rêvant. »
Aphorismes ou poèmes, les dix-neuf textes qui composent ce recueil éclairent le rapport de l’écrivain avec la matrice de son art. Si l’homme entretient un rapport charnel avec l’organe et maternel avec le langage c’est que la langue est à la fois le creuset de toute création et l’outil fécondateur du créateur.
Mais là où d’autres poètes cherchent dans la déstructuration du langage sa source originelle, comme le font par exemple Olivier Cadiot, Christian Prigent ou Valère Novarina, c’est par une recherche des harmonies et l’élaboration d’une fluidité toute musicale que Claude Louis-Combet nous fait sentir l’érotisme de la parole.
Érotique, Le Boeuf-Nabu l’est assurément. Le Roi des rois, Nabuchodonosor règne en dieu vivant sur Babylone. Chaque soir, il s’accouple avec sa reine, Amytis, selon un rituel que l’auteur se plaît à détailler.
Ses ébats sont suivis par trois témoins, les scriptes chargés de graver pour l’éternité le récit de cette union divine. Nabuchodonosor et Amytis sont en effet l’incarnation du dieu soleil et de la déesse-lune, et leurs caresses tracent une cosmogonie dont dépend l’avenir de l’impériale cité. C’est dire que les serviteurs du palais mettent tous leurs soins à l’élaboration de cette cérémonie quotidienne afin qu’Amytis reçoive le mieux possible ce mari « porté par un immense désir d’absorption (…), d’immersion dans le chaud silence de la chair accomplie : désir d’oubli, désir de refuge et de rémission, nostalgie de n’être enfin que chose végétante, enfouie, dormante et rêvante, racine dans l’humus, bête au terrier, sexe rendu à la confusion des origines ».
Les rapports des scribes ressassent l’acte sexuel sans en épuiser la symbolique : « Notre seigneur a baratté la lune en son plein. La déesse a chanté dans le lait et la crème… ». Les métaphores, transparentes, n’en sont que plus légères.
Cette sensualité, digne d’un Pierre Louys, Claude Louis-Combet la décline sans fin, enivrant le lecteur des sept parfums qui nourrissent chaque jour le bain de la reine, ouvrant la voie aux rêves les plus doux lorsqu’Amytis use de son savoir pour revigorer son amant : « Sentez, Seigneur, voici que l’outil fouilleterre se raffermit et, si vous le voulez bien, Je vais y mettre mes lèvres car elles sont teintes du suc de l’hyacinthe ». Comme la reine avec son roi, la poésie de Claude Louis-Combet sait être vivifiante pour son lecteur.
Le Don de Langue et
Le Boeuf-Nabu
Claude Louis-Combet
Lettres Vives
45 pages, 55 FF et 75 pages, 89 FF
Domaine français plaisir de la langue et langue du plaisir
novembre 1992 | Le Matricule des Anges n°2
| par
Thierry Guichard
Claude Louis-Combet publie deux textes aux éditions Lettre Vives de Michel Camus. L’occasion de découvrir un poète des sens toujours prêt à mettre à feu à nos désirs.
Des livres
plaisir de la langue et langue du plaisir
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°2
, novembre 1992.