Un livre

Le Professeur Bernhardi

de Arthur Schnitzler

Editions Actes Sud

Schnitzler double de Freud

Plus de cinquante ans après sa mort, l’œuvre de Schnitzler reste en partie méconnue en France où bon nombre de ses pièces ne sont toujours pas traduites. Le succès de La ronde a peut-être cristallisé une fausse image de cet écrivain, en lui collant une étiquette de frivolité et de légèreté. La parution du Professeur Bernhardi chez Actes Sud-Papiers permet de redécouvrir la profondeur de l’auteur autrichien.
Ancré dans le monde de la médecine, Le Professeur Bernhardi s’inspire de la vie du père de Schnitzler, fondateur et directeur d’une clinique viennoise. Schnitzler, lui-même médecin, connaissait parfaitement son sujet ! Cette œuvre, interdite par la censure en Autriche, a une force considérable de par les thèmes abordés : la mort, l’antisémitime, le désir de pouvoir, l’emprise de la religion… Le professeur Bernhardi, un médecin juif, empêche un prêtre d’apporter l’extrême onction à une mourante parce qu’elle se croit guérie et qu’il ne veut pas lui gâcher ses derniers moments de bonheur. Cet acte fait scandale. Certains collègues, profitant de l’antisémitisme qui règne à Vienne au début du siècle, montent une cabale. Elle se termine par un procès qui conduit le professeur Bernhardi en prison.
Schnitzler, ami de Freud qui disait voir en lui un « collègue », presque « un double », décortique l’âme humaine. Les personnages en s’affrontant mettent en débat les grandes questions morales. Où est la vérité, l’authenticité d’un être ?
Dans une scène très dense entre le prêtre et Bernhardi, l’homme d’église avoue préférer le mensonge plutôt que de porter atteinte à sa foi, laquelle prône pourtant de toujours dire la vérité… Le trouble s’installe. La motivation de l’acte du professeur Bernhardi, quelle est-elle ? Humanisme ou bien simple hostilité face à la religion catholique ? Les personnages sont démasqués avec toutes leurs ambiguïtés. Ce qui les rend surprenants, mystérieux.
Pour Schnitzler, la vraie nature humaine est faite de pulsions inexprimables et pourtant il n’a de cesse de nous en rendre compte…

L.C.

Le professeur Bernhardi
Arthur Schnitzler
traduction de
Henri Christophe
Actes Sud-Papiers
137 pages, 98 FF