Deuxième volet d’une trilogie annoncée, Rocade explore l’univers suburbain d’une ville portuaire après que Lieu-dit s’était attaché à décrire le rural. Ici aussi, le romancier, par ailleurs poète, montre les ravages dus aux crises industrielles. Les personnages de ce roman violent et tendu sont tous des marginaux, par choix ou par contrainte. Il y a le père, Venise, qui vit seul dans une caravane depuis que sa femme se fait passer pour folle à l’hôpital. Son fils s’est affranchi de son autorité en envoyant le paternel au tapis, ce que l’ancien soldat va vouloir lui faire payer. Le roman familial s’élargit en accueillant un trio de routards, deux garçons et une fille voleurs de voitures et trafiquants de pastilles colorées. On croisera aussi un vieux cerbère, dernier habitant d’une usine désaffectée, entouré de chiens et habité de mots d’ordre. Raymond Bozier excelle à éviter un à un les pièges du réalisme. Sa charge est lourde pour notre époque. D’autant qu’il donne à son roman une assise mythologique et que l’errance vaine de ses personnages fait penser au voyage mythique d’un Ulysse prisonnier du béton et des no man’s land.
Pauvert
284 pages, 110 FF
Domaine français Rocade
janvier 2001 | Le Matricule des Anges n°33
| par
Thierry Guichard
Un livre
Rocade
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°33
, janvier 2001.