Paul Nizon, le chercheur de vie
Paul Nizon aurait pu s’établir à Rome, la ville qui l’a fait naître écrivain, ou à Londres, à Zurich, voire à Berne, où il est né en 1929. Il aurait aussi bien pu se fixer nulle part, puisqu’il affirmait ne pouvoir vivre qu’en transit. C’est finalement à Paris qu’il a élu domicile, dans « la maternité artistique nommée Paris », peut-être la seule ville au monde capable de lui offrir une existence poétique : ce qu’elle avait fait en accueillant Henry Miller, elle pouvait le reproduire en prenant dans ses mailles ce vagabond qu’est Paul Nizon. Une capitale qu’il a connue dès les années de lycée, lorsqu’il venait passer quelques jours de vacances chez une tante (et dans l’appartement de laquelle, quelques décennies plus tard, il connaîtra un séjour provisoire qui sera le point de départ de La Fourrure de la truite, son nouveau récit).
Lui qui a toujours souhaité être un autre, qui aura été l’homme de l’éternel recommencement, s’efforçant toujours de ne rien posséder, n’hésitant jamais à jeter du lest, célébrant à l’envi « le secret plaisir de la perte », le voici désormais installé, propriétaire d’un petit appartement situé à deux pas du Louvre, dans un quartier faussement cosmopolite où passent des « Japonais quasiment invisibles ».
Trois mariages, quatre enfants, sept volumes d’Œuvres choisies chez Surhkamp (l’équivalent allemand de Gallimard), une œuvre traduite en une dizaine de langues, pas moins de vingt prix littéraires…, la vie de Paul Nizon est riche. Elle ressemble à un roman, mais alors un roman dont il est à la fois le protagoniste et l’auteur. C’est d’ailleurs exactement ce qu’il voulait : « l’identité entre l’être et la création », peut-on lire dans Les Premières Éditions des sentiments, le dernier choix de pages de son Journal.
Paul Nizon est un écrivain suisse de langue allemande. Son père, russe, a émigré de Riga ; sa mère est bernoise. De son père, ou plutôt de « ce poids mort en guise de père » comme il l’écrit dans Dans le ventre de la baleine, il gardera surtout le souvenir d’une absence : chimiste et chercheur, inventeur d’un médicament contre le lupus (que le docteur Schweitzer a utilisé avec un certain coefficient de réussite sur ses protégés de Lambaréné), ce dernier passait l’essentiel de son temps enfermé dans son laboratoire. Quant à ses origines russes, elles connaissent une postérité inattendue dans le prénom de deux fils de Nizon : Igor et Boris… Sa mère, dont il évoque avec tendresse les derniers jours, et que la réalité lui a enlevée en 1988, il la revoit toujours plongée dans quelque activité ménagère, le plus souvent silencieuse.
Alors qu’une part majeure de son œuvre est placée sous l’autorité de l’autofiction, Paul Nizon s’est toujours montré très discret sur les années de son enfance, même s’il l’évoque à gros traits çà et là : une sœur pianiste (vocation qui l’a détourné de la musique, pour ne pas faire la même chose, et qui l’a rapidement poussé à envisager une carrière littéraire),...