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Essais Sens ordinaires

mai 2010 | Le Matricule des Anges n°113 | par Jean Laurenti

Dans un essai dense et lumineux, Dominique Rabaté montre comment le roman moderne a proposé dès l’origine un espace ouvert aux questionnements engendrés par l’individualisme et le déclin des formes traditionnelles de transmission de l’expérience.

Le Roman et le sens de la vie

Peut-on trouver dans la littérature un accès renouvelé aux interrogations que notre immersion dans l’existence laisse sans réponse ? En quoi le roman moderne offre-t-il l’opportunité de reconsidérer le sens que revêt à nos yeux notre propre vie ? Dominique Rabaté, chercheur en littérature et enseignant, nous convie à une aventure réflexive qui emprunte les chemins de l’érudition autant que ceux de l’intuition et de la sensibilité. Il explore en effet des territoires de la pensée dont on pressent, au-delà des problématiques de recherche qu’elles mobilisent, qu’elles le préoccupent intimement.
Au départ de cette étude, on trouve une citation de Voyage au phare, l’un des romans majeurs de Virginia Woolf. Face à un tableau qu’elle est en train de peindre, Lili Briscoe, se pose « la vieille question qui continuellement traverse le ciel de la pensée (…). Quel est le sens la vie ? » Pour Dominique Rabaté, « le roman est un des lieux privilégiés où ce questionnement se réfléchit avec le plus d’ampleur, le plus de finesse. » Non qu’il soit à même de lui apporter des réponses, mais parce qu’il offre la possibilité d’un « partage », l’accès privilégié à une expérience ordinaire et donc commune au plus grand nombre.
Il s’agit bien sûr du roman né de la grande mutation du milieu du XIXe siècle et dont Flaubert, en France, est le premier grand représentant. Un roman construit autour de ce que le critique hongrois Lukács nomme un « héros probléma-tique » (au sens où sa subjectivité n’est plus soluble dans le monde social) ; un genre qui a renoncé à ses ambitions totalisantes en même temps qu’à une volonté de livrer au lecteur un modèle de conduite exemplaire, ce que Walter Benjamin nomme l’Erfahrung. Dominique Rabaté emprunte à ce dernier - en le modulant - le constat (énoncé dans Le Conteur) de la disparition de cette forme de transmission dont le grand récit européen a longtemps assumé la fonction. Le roman se penche désormais au-dessus de « l’abîme insondable et miroitant de l’expérience intérieure, de l’Erlebnis, ce qui est à la fois incommunicable et partageable, commun et incommensurable. » C’est la matière même du texte qui donne à voir « quelque chose du sens (ou du » non sens « ) de la vie » à travers tous les moyens que mobilise le romancier pour créer « une représentation stéréoscopique de l’existence » : jeu sur les focalisations, narration extérieure qui accompagne l’exploration de la vie intérieure du personnage…
Pour donner corps à son questionnement, Dominique Rabaté s’appuie sur l’étude de deux œuvres : la première est La Mort d’Ivan Ilitch de Tolstoï ; la seconde est le roman cité plus haut, Voyage au phare. C’est pour l’auteur l’occasion d’une méditation sur ce qui dans ces romans se donne à approcher du « sens de la vie ». Tolstoï offre au lecteur d’Ivan Ilitch une immersion aux confins de la vie et de la mort travers le processus d’une agonie qui est la négation même de son issue inéluctable. Le partage - qu’autorisent des dispositifs de langage subtilement analysés - d’une expérience qui permet au personnage d’accéder au sens de sa vie dans le temps même où il la perd.
Inscrit au cœur du magnifique roman crépusculaire de Woolf, le questionnement mélancolique du temps, de la finitude est aussi celui de la perpétuation et circule d’un personnage à l’autre (chacun étant « le vecteur d’une durée qui l’excède »). L’auteur montre que face au point de vue surplombant du « Temps souverain » l’épreuve éminemment personnelle, subjective de la durée occupe toute sa place. C’est à travers elle, « ce temps nécessaire pour que quelque chose s’accomplisse », que le lecteur est invité à repenser la perception de la durée de sa propre existence.

Le roman et le sens de la vie
de Dominique Rabaté
José Corti, 115 pages, 19

Sens ordinaires Par Jean Laurenti
Le Matricule des Anges n°113 , mai 2010.
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