Georges-Arthur Goldschmidt, cet enfant aux cheveux gras
Les livres de Georges-Arthur Goldschmidt ne sont pas étanches. La salve de publications qui vient de le mettre au cœur de l’actualité littéraire en fournit la preuve. Car, outre le nouvel opus de la saga Kellerlicht que proposent les éditions du Seuil, les Presses Universitaires de Lyon ont eu l’excellente initiative de republier les deux premiers romans de la « série », L’Empan et Le Fidibus qui donnent le titre générique Un corps dérisoire et que l’éditeur présente comme étant chacun une « chronique ». C’est avec Un corps dérisoire qu’apparaissait pour la première fois Arthur Kellerlicht. Ajoutons à ces trois livres la réédition en poche de La Traversée des fleuves, et nous avons là un même territoire littéraire et intime. Si ces livres ne sont pas étanches, c’est qu’une fois lus, le lecteur aura quelques difficultés à se souvenir de l’emplacement de tel ou tel épisode de la vie de Kellerlicht-Goldschmidt. Ainsi, le voyage de Sallanches à Paris où le jeune lycéen va passer ses épreuves du bac, se retrouve-t-il aussi bien dans L’Empan que dans La Traversée des fleuves et dans L’Esprit de retour. Loin d’être divisée en épisodes feuilletonesques composés dans une linéarité chronologique, la biographie apparaît comme une matière traversée par l’écriture dans une coupe longitudinale où des mêmes scènes, des mêmes moments et des mêmes motifs reviennent d’un livre l’autre. Parfois obsessionnellement
Toujours, c’est la période d’initiation qui intéresse l’écrivain, du dessaisissement de soi (depuis les lois nazies qui définissent pour l’individu une identité qu’il n’a pas, jusqu’à l’exil) à la réappropriation du monde (par le biais des paysages, du corps et de la langue).
On s’interrogera toutefois sur la différence notable entre l’autobiographie et les fictions : l’une et les autres racontent de mêmes moments de la vie de Goldschmidt, mais l’une le fait à la première personne quand c’est à la troisième que le fait l’autre. Ce n’est pas la seule variation : le personnage de Kellerlicht impose, par sa présence, un changement des noms des autres personnages et aussi des lieux. Ce glissement onomastique, parfois transparent (Pontoise est nommée Tollevoise dans L’Empan et le professeur autrichien Versbach qui accompagne le futur bachelier vers Paris se nomme Weinbein dans L’Esprit de retour), ouvre ainsi un espace ténu entre la réalité (ou le souvenir de cette réalité) et la fiction. Un espace à habiter, un jeu tectonique en quelque sorte, comme un peintre jouerait sur des variations chromatiques pour peindre cent fois le même motif. Ce jeu-là, cet espace vacant, permet aussi à chaque livre de trouver une tonalité propre. Ainsi, L’Esprit de retour qui s’inscrit essentiellement dans un temps assez court – de l’épreuve du bac au premier retour en Allemagne – glisse-t-il imperceptiblement vers une note plus douloureuse, quand, revenu dans sa maison natale, le jeune Kellerlicht sera pris par le Heimweh, le mal du pays. « Il était désormais...