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Domaine français Dame d’amour

octobre 2011 | Le Matricule des Anges n°127 | par Richard Blin

Rebelle à la beauté hautaine, courtisane libertaire, épicurienne raffinée, Grisélidis Réal était aussi écrivain dont voici les Mémoires.

Mémoires de l’inachevé (1954-1993)

Elle était de ces femmes qui illuminent les ténèbres et permettent à certains hommes de ne pas devenir fous de solitude ou d’inhibition, s’appelait Grisélidis – un prénom droit venu d’un conte de Perrault – Réal, et pratiquait la prostitution comme « un Art, un Humanisme et une Science ». C’était une Lionne qui écrivit pour ne pas mourir et pour se perpétuer telle qu’on l’avait aimée, blessée, caressée, ressuscitée. Pour défendre aussi, et justifier, le plus vieux métier du monde. « Que tous les hommes qui viennent vers nous, « fatigués et chargés », comme il est dit dans la Bible – ceux que nous sauvons du suicide et de la solitude, ceux qui retrouvent dans nos bras et dans nos vagins l’élan vital dont on les frustre ailleurs – ceux qui repartent, les couilles légères et le soleil au cœur – cessent de nous emmerder, de nous juger, de nous renier, (…) / Qu’on nous reconnaisse belles, utiles, désirables, habiles… »
Née à Lausanne en 1929, de parents enseignants, morte en 2005, Grisélidis Réal vécut sa petite enfance à Alexandrie et Athènes jusqu’à la mort du père, en 1938. De retour en Suisse, elle sortira des Arts décoratifs de Zurich avec un diplôme de décoratrice, épousera un peintre, aura un premier enfant. Pour vivre, elle peint des foulards, pose comme modèle. Des enfants, elle en aura bientôt quatre, de trois pères différents. Divorcée, désargentée, se battant pour voir ses enfants, elle fréquente la bohème et ne viendra à la prostitution que la trentaine passée.
Dès le début des années 50, elle développe une riche correspondance avec quelques amis chers : Maurice Chappaz, la photographe Suzi Pilet, le journaliste et peintre Henri Noverraz, les éditeurs Bertil Galland et André Balland…, et avec ses mémorables amants. C’est le plus intéressant de cette correspondance que rassemble, avec quelques textes inédits, Mémoires de l’inachevé.
Faite d’échanges intellectuels et de confidences privées, cette correspondance révèle une femme d’exception, On y découvre sa vie du jour et de la nuit comme ses lectures. Ainsi elle reproche à Simone de Beauvoir, dont elle loue l’intelligence et la lucidité, d’avoir renié toute féminité, avant d’ajouter qu’elle est heureuse, elle, d’être livrée à ses instincts qu’elle sent puissants comme les planètes : « J’aime tous les démons qui me possèdent et se battent en moi et tous les Êtres Magiques qui prêtent leurs visages à mes peintures. »
Car elle peint, dessine, rêve d’amour et de remariage. Et c’est avec Bill, son amant Noir américain arraché à un asile psychiatrique de Genève – « cette ville maudite où l’enseignement d’un prophète impuissant a desséché les esprits et les sexes » – qu’elle fuit, à 30 ans, avec deux de ses enfants, vers l’Allemagne. Une cavale sordide qui, de boîtes de jazz en trafics divers, la conduira dans un bordel de Munich puis en prison, et dont elle fera le récit dans Le Noir est une couleur (voir Lmda N°62).
Libérée, elle revient à Genève, mène une double vie de mère, de prostituée et d’écrivain. « Je ne sais pas écrire, je le fais instinctivement, plutôt mal que bien, c’est uniquement pour me faire du bien et ne pas étouffer car dans la vie on ne peut ni hurler, ni mordre, ni tuer, pour se venger de certaines choses. » La violence, l’ivresse, l’errance, elle dit tout et s’engage corps et âme dans le combat des prostituées. Elle se bat pour leurs droits, milite pour une prostitution non contrainte dont elle montre la nécessité, la grandeur, l’éclat cruel. Artiste de l’amour et du sexe, la prostituée existe pour donner aux hommes ce qu’ils attendent : « des caresses, de la douceur, du plaisir. L’apaisement ». Un savoir-faire et un art qu’elle évoque sans langue de bois dans les entretiens qu’elle a accordés à Jean-Luc Hennig, qui en a fait un livre, Grisélidis, courtisane, aujourd’hui réédité. Une confession, une longue interview (suivie du Carnet noir – un aide-mémoire où elle consignait l’âge, les goûts, les particularités sexuelles de ses clients, avec le prix de la passe) où sont évoqués tous les aspects du métier.
Par-delà les aléas quotidiens, le fric et les bites, il y a la tendresse, la fureur, et l’incroyable vitalité d’une femme prête à tout pour l’amour, qu’elle conçoit comme un absolu charnel. « L’amour physique est une grande et magnifique chose, un art religieux, un délire total qu’il faut pratiquer avec un seul être… ». Une amoureuse passionnée, jamais rassasiée, qui n’aura aimé que des fous, des bannis, des marginaux. Une putain iconoclaste, dit Yves Pagès, qui, « vierge jusqu’à 20 ans » et « frigide jusqu’à 25 » aura « manié, caressé, baisé des milliers de corps d’hommes de toutes races », jouant tous les rôles – mère, sœur incestueuse, bourreau, amante – et écrit les plus magnifiques pages sur ce commerce des voluptés dont elle était l’une des grandes prêtresses.

Richard Blin

Mémoires de l’inachevé (1954-1993)
de Grisélidis Réal
Présenté par Yves Pagès
Avec la collaboration de Jeanne Guyon
Verticales, 382 pages, 22,90

Grisélidis, courtisane
de Jean-Luc Hennig
Verticales, 226 pages, 21

Dame d’amour Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°127 , octobre 2011.
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