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Poésie Mues d’émotions

mars 2015 | Le Matricule des Anges n°161 | par Richard Blin

Décadrée, troublante, la poésie de Sandra Moussempès sinue entre vestiges de mémoire et vertige des sens.

Errante, dérivante ne peut qu’être la lecture des livres de Sandra Moussempès. Los Angeles, Londres, Paris, Berlin, Uzès…, elle nous entraîne dans une sorte de labyrinthe qu’on dirait tapissé de miroirs. On erre entre souvenirs, séquences de film, visions subversives de rêve d’amour, fantasmes rose bonbon et autodérision. C’est fardé de perversité candide comme de dénonciations ironiques des trompe-l’œil qui nous aident trop souvent à vivre. « Les consolations mathématiques sont prouvées sauf si le son est coupé dès la première séance gênant alors l’angle d’hypnose ».
En quinze suites de factures différentes – bouts de narration, bribes de dialogue ou de scénario, débris de mise en scène, récit de rêve, énoncé aphoristique, montage texte/photo – et en recourant à toutes les ressources de la typographie, Sunny girls déploie un univers d’images interagissant avec des paysages intérieurs et une inventivité nomade qui confèrent à cette poésie expérimentale des airs d’énigme éblouie.
Des images filmiques, des images-traces, des images mentales – qui, sous forme d’impressions, de sensations font vaciller l’intelligible au profit du sensible – des images mystérieuses – « Une mariée pose ses chaussures à côté d’une figue et s’enlise » – des images intranquilles, tant l’auteur joue de l’équivoque entre perception et pensée, corps fantomal et monde fictif, vie imaginaire et souvenirs bien réels. « Worthing 1978 première nuit en discothèque, premiers punks dans les rues venteuses, toutes les maisons se ressemblent ».
À des scènes riches d’informations et le disputant à des sollicitations tactiles et/ou sonores – « C’est aussi le propre du poème d’être une prouesse filmée » – succèdent des plans-affects, des apparitions closes n’ouvrant pas à un enchaînement comme le fait la phrase-image cinématographique. « Deux jeunes américaines en train de conduire / le long d’une forêt ne voyant pas qui les poursuit ni comment / elles seront rattrapées ». Le tout rythmé, encadré, ponctué par des phrases-impacts – « Rien ne doit être explicable si l’explication est la seule chose qui reste » ou se présentant comme une injonction – « Préférer les limites aux circonstances » –, un jugement – « Se faire traiter d’impatiente est un soutien moral à retardement » –, ou une réflexion théorique : « Restituer n’est pas le poème ».
Un mixte d’apartés, de digressions, de pensées en images et de voix off qui loin de se transformer en polyphonie sauvage, donnent consistance à la musique d’une vie hantée par la figure paternelle, enluminée par l’existence d’un fils, mise à distance aussi et comme reconfigurée par la poésie. « Je parle avec des trous dans le discours, la mémoire des uns fait le silence des autres, les trous sont une mémoire commune, en fabriquant un vrai bébé j’ai défait des liens mal engagés ».
Une écriture qui tient de l’entremêlement propre au travail du rêve, de ses éclosions de contiguïtés curieuses, de ses mouvements de refoulement et de retour. Ce qui crée une sorte de vertige formel d’où émerge la beauté mystérieuse de gestes, de regards, d’attitudes. Un univers en proie à un mouvement brownien, à des changements d’échelle, des jeux de miroirs qui importent leur théâtralité dans le monde des mots. « Pour le poème, c’est la demande inconsciente qui est ressentie / plan spatial d’une masse ou flottement de la vitesse // - votre conversation intérieure devient un son solidifié - // comme si la réalité biaisait mon champ de vision / ma réserve d’énergie au contact d’un ciel fissuré // une bouche qui réclame une offensive ».
Un livre débordant d’humour acide – « Les poétesses qui misent sur le banal ne roulent pas en mobylette malgré les apparences // Peuvent encore virer mondaines (ou ermites) » – aux cambrures champagne et aux élans poussés jusqu’à leur point de bascule ou leur face d’obscurité.


Richard Blin

Sunny girls
Sandra Moussempès
Flammarion, 196 pages, 17

Mues d’émotions Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°161 , mars 2015.
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